J.O. 122 du 27 mai 2007       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
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Décision n° 2007-0278 du 29 mars 2007 portant sur l'influence significative de la société Outremer Télécom sur le marché de gros de la terminaison d'appel vocal sur son réseau mobile dans la zone Antilles-Guyane et les obligations imposées à ce titre


NOR : ARTT0700035S



L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes,

Vu la directive 2002/21 /CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre ») ;

Vu la directive 2002/19 /CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l'accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu'à leur interconnexion (directive « accès ») ;

Vu les lignes directrices 2002/C 165/03 de la Commission des Communautés européennes du 11 juillet 2002 sur l'analyse du marché et l'évaluation de la puissance sur le marché en application du cadre réglementaire communautaire pour les réseaux et les services de communications électroniques ;

Vu la recommandation C (2003) 497 de la Commission des Communautés européennes du 11 février 2003 concernant les marchés pertinents de produits et de services dans le secteur des communications électroniques susceptibles d'être soumis à une réglementation ex ante conformément à la directive « cadre » (recommandation « marchés pertinents ») ;

Vu le code des postes et des communications électroniques (CPCE), et notamment ses articles L. 36-7, L. 37-1, et D. 301 à D. 315 ;

Vu l'arrêté d'autorisation d'Outremer Télécom en date du 30 novembre 2000 ;

Vu la décision no 2005-0960 de l'Autorité en date du 8 décembre 2005 relatives aux modalités d'application de l'obligation de séparation comptable et de comptabilisation des coûts imposée à la société Orange France, à la Société française du radiotéléphone, à la société Bouygues Telecom, à la société Orange Caraïbe et à la Société réunionnaise du radiotéléphone en raison de leur influence significative sur les marchés de gros de la terminaison d'appel vocal sur leur réseau respectif ;

Vu la décision no 2005-0111 de l'Autorité en date du 1er février 2005 relative à la détermination des marchés pertinents concernant la terminaison d'appel vocal sur les réseaux mobiles d'outre-mer (décision « définition de marché ») ;

Vu la décision no 2006-0453 portant sur la détermination des deux nouveaux marchés pertinents concernant la terminaison d'appel vocal sur les réseaux mobiles d'outre-mer ;

Vu la demande d'avis au Conseil de la concurrence en date du 13 avril 2006 ;

Vu la consultation publique de l'Autorité relative à l'analyse complémentaire du marché de gros de la terminaison d'appel sur les réseaux mobiles d'outre-mer lancée le 13 avril 2006 et clôturée le 15 mai 2006 ;

Vu les réponses à la consultation publique susvisée ;

Vu les éléments complémentaires relatifs à l'analyse du marché de gros de la terminaison d'appel vocal sur le réseau mobile de la société Outremer Télécom dans la zone Antilles-Guyane transmis par l'Autorité au Conseil de la concurrence le 14 décembre 2006 et publiés le 19 janvier 2007 ;

Vu l'avis du Conseil de la concurrence en date du 1er février 2007 ;

Vu la consultation publique de l'Autorité relative au projet de décision portant sur l'analyse du marché de gros de la terminaison d'appel vocal sur le réseau mobile d'Outremer Télécom dans la zone Antilles-Guyane, lancée le 16 février 2007 et clôturée le 16 mars 2007 ;

Vu les réponses à cette consultation publique ;

Vu la notification des projets de décision relatifs à l'analyse du marché de gros de la terminaison d'appel vocal sur le réseau mobile d'Outremer Télécom dans la zone Antilles-Guyane à la Commission européenne et aux autorités réglementaires nationales de la Communauté européenne en date du 16 février 2007 ;

Vu les observations de la Commission européenne en date du 16 mars 2007 ;

Après en avoir délibéré le 29 mars 2007 ;

Comme il sera démontré dans cette analyse, l'Autorité estime que Outremer Télécom est réputé exercer une influence significative sur le marché de la terminaison d'appel vocal sur son réseau à destination de ses clients (partie I) dans la zone Antilles-Guyane. Cette situation engendre des obstacles au développement de la concurrence susceptibles d'avoir des conséquences négatives au regard des objectifs poursuivis par l'Autorité conformément au cadre réglementaire (1), et il est donc nécessaire d'imposer à Outremer Télécom certaines obligations (parties II, III et IV).


(1) Cf. « Eléments complémentaires relatifs à l'analyse du marché de gros de la terminaison d'appel vocal sur le réseau mobile de la société Outremer Télécom dans la zone Antilles-Guyane ».

PÉRIODE TEMPORELLE D'ANALYSE


Conformément aux prescriptions de l'article D. 303 du code des postes et des communications électroniques, il appartient à l'Autorité de fixer la durée d'application de chacune des obligations qui ne peut dépasser la date de révision prévue à l'article D. 301 du code des postes et des communications électroniques.

L'Autorité fait porter son analyse du marché de gros de la terminaison d'appel vocal sur le réseau mobile d'Outremer Télécom dans la zone Antilles-Guyane sur une période allant jusqu'au 31 décembre 2007. L'Autorité vise ainsi à inscrire l'ensemble des acteurs, des DOM et de métropole, régulés sur leurs marchés respectifs relatifs à la terminaison d'appel vocal mobile dans un même cadre temporel se terminant fin 2007. Un nouveau cycle portant sur l'analyse des marchés de la terminaison d'appel mobile de l'ensemble des opérateurs mobiles français pour la période allant du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010 sera initié prochainement.

L'Autorité s'est attachée à effectuer une analyse prospective du marché sur cette période. Néanmoins, en tant que de besoin, notamment en cas d'évolution significative de la structure du marché ou de ses acteurs, elle pourra être amenée à en effectuer une nouvelle analyse avant la fin de la période envisagée.


Description de la société Outremer Télécom


Activités de la société Outremer Télécom :

La société Outremer Télécom a obtenu sa licence d'opérateur en 1998. Outremer Télécom déploie ses services dans la téléphonie mobile et dans la téléphonie fixe.

Son chiffre d'affaires en 2005 était de 78,4 millions d'euros.



Zones de couverture d'Outremer Télécom :

La situation dans les départements d'outre-mer est particulière car les autorisations des opérateurs ne couvrent pas toutes les mêmes zones géographiques. Par ailleurs, certains opérateurs utilisent des normes différentes des normes GSM et UMTS. Enfin, tous n'ont pas ouvert commercialement leur service.

En l'espèce, Outremer Télécom a une autorisation GSM DOM 3 qui couvre les départements de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Guyane, de la Réunion et qui a été étendue à la collectivité départementale de Mayotte, en juillet 2006 (2). Outremer Télécom a ouvert commercialement en Guyane en novembre 2004, en novembre 2005 en Martinique et en Guadeloupe et fin 2006 à Mayotte. Seul le réseau couvrant le département de la Réunion n'a pas été ouvert commercialement.


(2) Décision no 2006-0842 de l'ARCEP en date du 25 juillet 2006 modifiant la décision no 2005-0681 en date du 19 juillet 2005 autorisant la société Outremer Télécom à utiliser des fréquences dans les bandes GSM 900 MHz et GSM 1 800 MHz pour établir et exploiter un réseau GSM dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Guyane et de la Réunion et étendant cette autorisation à la collectivité départementale de Mayotte.

I. - Puissance de marché d'Outremer Télécom


L'analyse de l'influence significative sur un marché se fonde sur des principes généraux (I-1), l'étude du comportement des acheteurs et des consommateurs (I-2), l'analyse du comportement tarifaire des opérateurs mobiles (I-3) et l'évolution prévisible du marché (I-4). L'analyse de l'Autorité prend en compte l'avis du Conseil de la concurrence (I-6) et les observations des autres autorités réglementaires nationales et de la Commission européenne (I-7). Il est conclu que Outremer Télécom est réputé exercer une influence significative sur le marché considéré (I-8).


I-1. Principes de la détermination d'une influence significative sur un marché

I-1.1. Principes généraux


Aux termes de l'article L. 37-1 du code des postes et des communications électroniques, « est réputé exercer une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques tout opérateur qui, pris individuellement ou conjointement avec d'autres, se trouve dans une position équivalente à une position dominante lui permettant de se comporter de manière indépendante vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et des consommateurs ».

En application des principes issus de la jurisprudence tels que rappelés dans les lignes directrices susvisées, la part de marché d'une entreprise constitue un critère essentiel, bien que non exclusif. En effet, la jurisprudence considère que la présence de parts de marchés élevées - supérieures à 50 % - permet, sauf circonstances exceptionnelles, d'établir l'existence d'une position dominante. Par ailleurs, l'évolution des parts de marchés respectives de l'entreprise et de ses concurrents, sur une période de temps appropriée, constitue un facteur complémentaire.

Les parts de marché peuvent être évaluées sur la base des volumes ou des chiffres d'affaires, l'indicateur le plus pertinent devant être défini en fonction des caractéristiques de chaque marché. L'analyse des parts de marché, bien que prospective, ne saurait toutefois suffire à établir l'existence d'une influence significative. Pour une analyse complète du développement de la concurrence sur les marchés pertinents, les lignes directrices recommandent en effet de « procéder à une analyse approfondie et exhaustive des caractéristiques économiques du marché pertinent avant de conclure à l'existence d'une puissance sur le marché ». Ainsi la Commission recommande de prendre en compte d'autres indices de nature plus qualitative tels que, notamment :

- la taille de l'entreprise ;

- le contrôle d'une infrastructure qu'il n'est pas facile de dupliquer ;

- l'avancée ou la supériorité technologique ;

- l'absence ou la faible présence de contre-pouvoir des acheteurs ;

- la diversification des produits ou des services ;

- l'intégration verticale de l'entreprise ;

- l'existence d'un réseau de distribution et de vente très développé ;

- l'absence de concurrence potentielle ;

- l'existence d'une concurrence par les prix ;

- d'autres critères tels que l'accès privilégié aux marchés des capitaux ou la présence d'économies de gamme ou d'échelle.

L'Autorité s'est efforcée de mettre en oeuvre, parmi ces critères, ceux apparaissant comme les plus appropriés dans le cadre du marché concerné par la présente analyse. Compte tenu de la structure par définition monopolistique du marché analysé ici, les critères les plus pertinents pour évaluer la puissance sont la part de marché et l'absence ou la faible présence de contre-pouvoir des acheteurs.


I-1.2. Application des principes généraux aux marchés de gros de la terminaison d'appel


Dans la décision no 2006-0453 il a été indiqué que le marché pertinent considéré était le marché des prestations de terminaison d'appel vocal sur le réseau individuel d'Outremer Télécom à destination de ses clients, quelle que soit l'origine de l'appel (fixe ou mobile, nationale ou internationale), et quelle que soit la technologie utilisée pour produire cette prestation (GSM ou UMTS). Les appels par le biais de hérissons utilisant une carte SIM de cet opérateur, à destination de cet opérateur, ont été exclus dans le marché, dans l'hypothèse où, de façon prospective, ils viendraient à apparaître.

L'Autorité examine l'existence d'une éventuelle influence significative individuelle de cet opérateur sur ce marché de la terminaison d'appel vocal ainsi défini.

Outremer Télécom dispose de 100 % de parts de marché sur le marché de la terminaison d'appel vocal sur son propre réseau.



En outre, il est techniquement impossible pour un nouvel entrant de rentrer sur ce marché (un opérateur ne peut pas proposer d'offre concurrente à celle de l'opérateur mobile pour terminer du trafic vocal sur le réseau de cet opérateur mobile). Ces deux éléments sont soulignés par les lignes directrices de la Commission européenne comme des indicateurs importants d'une présomption d'influence significative sur le marché.

Toutefois, il est nécessaire afin de mieux appréhender la situation concurrentielle, conformément aux lignes directrices, de procéder à une analyse approfondie des caractéristiques économiques du marché pertinent.

L'évaluation du pouvoir d'achat compensateur dont pourrait bénéficier l'opérateur acheteur ou le consommateur est un élément important qui permet de caractériser le degré d'influence significative de l'opérateur, et de comprendre si ce dernier peut effectivement agir indépendamment de la demande et des concurrents. Cette capacité d'agir indépendamment des autres peut être confirmée par l'examen des prix pratiqués par le passé et notamment par la possibilité de s'écarter durablement de prix correspondant à une rentabilité raisonnable.


I-2. Comportement des acheteurs et des consommateurs


Outre la circonstance que Outremer Télécom dispose d'une part de marché de 100 % sur un marché où la concurrence potentielle est a priori nulle, comme l'a montré l'analyse précédente, il est nécessaire d'analyser si cet opérateur peut agir, dans une mesure appréciable, indépendamment des acheteurs de terminaison d'appel.

Le contre-pouvoir s'évalue d'une part par la capacité et l'intérêt qu'ont les acheteurs de terminaison sur le marché de gros à s'opposer à une hausse de la charge de terminaison d'appel (I-2.1) et d'autre part par l'influence du comportement des consommateurs (I-2.2).


I-2.1. Le pouvoir d'achat compensateur de la part des clients sur le marché de gros


Les principaux clients d'Outremer Télécom en parts de marché sont France Télécom (qui achète directement à Outremer Télécom des prestations de terminaison d'appel) et Orange Caraïbe (qui achète via France Télécom les prestations de terminaison d'appel fournies par Outremer Télécom). On note en effet qu'en 2005 la part des achats de terminaison d'appel vocal national est de 38,7 % (3) pour les opérateurs fixes français. Or, à la même date, d'une part France Télécom détenait 64,4 % de parts de marché (4) des appels fixe vers mobile en France, et d'autre part Orange Caraïbe détenait 80 % du parc mobile (5) dans la zone Antilles-Guyane devant Bouygues Télécom Caraïbe, au 30 juin 2005 (6). De la part de ces opérateurs, un pouvoir d'achat compensateur pourrait hypothétiquement s'exercer sur Outremer Télécom, par le biais notamment :

a) Du refus par un opérateur d'acheter la prestation de terminaison d'appel d'Outremer Télécom, privant ainsi ses abonnés de la faculté de joindre ceux de ce dernier ;

b) D'un prix de détail pour les appels destinés à Outremer Télécom excessivement élevé, de façon à assécher le trafic entrant de ce dernier ou à le faire apparaître comme un « réseau cher » (en représailles).

Toutefois, ce pouvoir d'achat compensateur s'avère, dans les faits, tout à fait limité.

S'agissant de l'hypothèse a, une telle pratique serait certainement pénalisante pour l'activité d'Outremer Télécom dans la mesure où il ne serait plus en mesure d'offrir à ses clients la possibilité d'être joints par un nombre significatif de correspondants. Une telle pratique pourrait ainsi agir comme un contre-pouvoir vis-à-vis des tarifs de terminaison d'appel d'Outremer Télécom.

Toutefois, il convient de rappeler que France Télécom est tenu, de par sa qualité d'opérateur de service universel, d'acheminer les appels vers tous les réseaux téléphoniques. Par conséquent, France Télécom ne dispose pas de contre-pouvoir lui permettant de renoncer à l'achat de prestation de terminaison d'appel auprès d'Outremer Télécom.

Par ailleurs, le fait, pour Orange Caraïbe, de restreindre son service aux appels destinés à des lignes fixes ou à ses propres abonnés induirait, de façon très crédible, une marginalisation par effet club d'Outremer Télécom, dont la part de marché en termes de parc est pour la zone Antilles-Guyane de 12 %, contre 60 % pour Orange Caraïbe au 31 décembre 2006 (7). Il semble donc que ce dernier ne puisse mettre en oeuvre une telle pratique sans exploiter abusivement sa position dominante au détail.

Pour être efficaces, les représailles envisagées en b supposent quant à elles une certaine réactivité de la demande, ce qui n'est pas nécessairement le cas.

Au surplus, le Conseil de la concurrence a estimé, dans un avis no 01-A-01 du 16 mars 2001 portant sur la tarification par France Télécom des communications téléphoniques au départ de son réseau vers des réseaux tiers, que : « la possibilité qui serait laissée à France Télécom de pratiquer des tarifs différents [sur le trafic fixe vers mobile] reviendrait donc, pour l'essentiel, à l'autoriser à répercuter, en tout ou partie, les différences entre les charges de terminaison facturées par les différents opérateurs mobiles. Cette faculté de différencier ses tarifs demeurerait toutefois soumise aux exigences du droit de la concurrence et, notamment, à l'obligation pour une entreprise en position dominante de ne pas pratiquer de tarifs discriminatoires. En revanche, le fait de différencier les tarifs en fonction des coûts d'interconnexion différents imposés par les différents opérateurs mobiles n'apparaît pas contraire au droit de la concurrence ».

S'agissant du trafic mobile vers mobile, le Conseil a ajouté, dans sa décision no 02-D-69 du 26 novembre 2002 relative aux saisines et aux demandes de mesures conservatoires présentées par la société Bouygues Telecom, l'Union fédérale des consommateurs Que Choisir et la Confédération de la consommation, du logement et du cadre de vie, que « pour un opérateur en position dominante, le fait de pratiquer des différences de prix non justifiées par des différences de coût de revient des services, et qui pourraient donc être discriminatoires, est susceptible de constituer un abus si cette pratique a pour objet ou peut avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur le marché concerné ». Au cas d'espèce, le Conseil n'avait pas exclu que tel puisse être le cas de la pratique de différenciation tarifaire mise en oeuvre par Orange France entre les appels on-net et off-net, laquelle lui paraissait « de nature à limiter l'interopérabilité des réseaux et donc à favoriser le plus grand des parcs, les clients valorisant la possibilité d'appeler et d'être appelés par le plus grand nombre possible de correspondants. Cet effet devrait être d'autant plus important que Orange France détient une part de marché beaucoup plus élevée que celle de chacun de ses deux concurrents ».

Le Conseil a confirmé cette analyse s'agissant de pratiques de différenciations tarifaires mises en oeuvre par Orange Caraïbe dans la zone Antilles-Guyane (décision no 04-MC-02 du 9 décembre 2004 relative à une demande de mesures conservatoires présentées par la société Bouygues Telecom Caraïbe à l'encontre de pratiques mises en oeuvre par les sociétés Orange Caraïbe et France Télécom) :

« En l'espèce, l'effet de "club résultant de la différenciation tarifaire pratiquée entre les appels off-net et on-net sur le réseau d'Orange Caraïbe est directement proportionnel à l'ampleur de cette différenciation. Il est, en outre, considérablement renforcé par le fait qu'il n'existe que deux réseaux et que le plus grand des deux détient une part de marché de plus de 82 %. L'écart de taille entre les réseaux, et non la taille absolue du plus petit réseau, est l'élément crucial de l'espèce car cet écart constitue un levier multipliant l'effet du montant de la différence des tarifs. En outre, cet écart dans la taille des réseaux prive le plus petit de moyens de réplique : même en pratiquant une différenciation élevée entre ses tarifs on-net et off-net, le petit réseau ne peut proposer des tarifs on-net plus attractifs en les finançant par les revenus tirés des terminaisons d'appel.

Il résulte de cette analyse qu'il peut être raisonnablement présumé, en l'état du dossier et sous réserve de l'instruction au fond, que la différenciation tarifaire pratiquée entre les appels on-net et off-net par Orange Caraïbe verrouille l'entrée sur le marché par un effet de "club, lui-même renforcé par l'important écart de taille entre les deux réseaux concernés, pratique constitutive d'un abus de position dominante entrant dans le champ de l'article L. 420-2 du code de commerce. »

Il résulte de ces éléments ainsi que de ceux développés par l'Autorité dans les éléments complémentaires transmis au Conseil de la concurrence le 14 décembre 2006, qu'un opérateur tel France Télécom ou Orange Caraïbe pourrait difficilement pratiquer un prix de détail pour le trafic destiné aux abonnés d'Outremer Télécom artificiellement élevé sans exploiter abusivement sa position dominante au détail.

De manière générale, les éléments complémentaires analysent les effets de la mise en place d'une différenciation tarifaire et démontrent « qu'aucun opérateur, fixe ou mobile même d'envergure comme France Télécom ou Orange Caraïbe, ne peut aujourd'hui exercer, dans la zone Antilles-Guyane, de contrepouvoir d'acheteur face à Outremer Télécom et qu'en particulier, la différenciation tarifaire n'est pas un moyen effectif d'exercer, via les consommateurs, aujourd'hui un contre-pouvoir d'acheteur sur Outremer Télécom. »

L'analyse des évolutions des tarifs outre-mer confirme largement l'absence de tout pouvoir d'achat compensateur de la part des opérateurs présents (cf. I-3).


(3) Calcul effectué à partir des trafics fixe vers mobile et mobile vers mobile tiers (source : l'Observatoire des marchés T2 2005, http://www.arcep.fr/observatoire/stat/2-2005/statrim2-05.htm#21). (4) Source : décision de l'ARCEP no 2005-0571 en date du 27 septembre 2005. (5) Parts de marché calculées sur la base du parc actif de clients qui correspond au total des clients ayant souscrit à une offre forfaitaire et des clients prépayés actifs. Les clients prépayés actifs correspondent aux clients qui ont passé un appel ou reçu un appel pendant les trois derniers mois. Seuls les appels téléphoniques sont considérés, qu'ils soient gratuits ou payants. Les SMS ne sont pas pris en compte dans le calcul (source : l'observatoire des mobiles du 30 juin 2005 : http://www.arcep.fr/observatoire/juin2005/juin05.htm). (6) L'Autorité considère qu'il n'y a pas eu d'évolution significative des ordres de grandeur de ces chiffres depuis cette date. (7) Selon les données collectées dans le cadre du suivi des indicateurs mobiles (SIM).

I-2.2. Substitution sur les marchés de détail


En second lieu, une pression concurrentielle pourrait également s'exercer par d'éventuels effets de substitution sur les marchés de détail sous-jacents. Si les clients des appels fixe vers mobile ou mobile vers mobile avaient pu utiliser des services de substitution en réponse à une hausse des prix, une hausse de la terminaison d'appel ne se serait pas alors traduite nécessairement par une rentabilité accrue pour l'opérateur mobile concerné. L'analyse de la substituabilité des produits effectuée lors de la définition du marché a montré que l'effet d'une telle substitution était limité et que les opérateurs mobiles n'étaient pas incités à pratiquer des tarifs modérés.



I-3. Comportement tarifaire des opérateurs mobiles

I-3.1. Evolutions des tarifs dans l'outre-mer


Les prix moyens présentés dans cette partie sont les prix calculés à partir des tarifs des opérateurs mobiles et de la statistique d'appels définie dans l'annexe A de la présente décision de l'Autorité.




Vous pouvez consulter le tableau dans le JO

n° 122 du 27/05/2007 texte numéro 16





Figure 1 : Estimation de l'évolution du prix moyen

de la terminaison d'appel dans l'outre-mer (en EUR/min)




I-3.2. Une évolution des prix confirmant l'absence de pouvoir d'achat compensateur


Depuis le 1er janvier 2003, conformément à la décision no 2002-1191 de l'Autorité en date du 12 décembre 2002, modifiée par les décisions no 2005-0112 et no 2005-0113 en date du 1er février 2005, Orange Caraïbe et SRR doivent orienter leurs tarifs d'interconnexion vers les coûts. Depuis lors, quatre mouvements de baisse ont été effectués. En janvier 2004, il a été opéré une baisse de l'ordre de 10 % pour Orange Caraïbe et de l'ordre de 14 % pour SRR. Puis, des baisses de 20 % en 2005, 2006 et 2007.

Malgré une politique de réduction des écarts en valeur absolue menée par l'Autorité, les baisses cumulatives d'Orange Caraïbe ont certes été suivies par les autres opérateurs de la zone Antilles-Guyane (8) mais l'amplitude entre les prix de terminaison d'appel pratiqués par les opérateurs de cette zone et le prix moyen d'Orange Caraïbe reste toujours importante. Ainsi, la terminaison d'appel d'Outremer Télécom était 45 % plus chère que celle d'Orange Caraïbe en 2004 et 82 % plus chère en 2005 et en 2006 (9). En outre, les niveaux de charge de terminaison d'appel vocal restent significativement supérieurs à ceux de la métropole : en 2006, le niveau le moins élevé outre-mer (SRR) étant 40 % supérieur à celui du plus élevé métropolitain (Bouygues Télécom) (10).

Orange Caraïbe, Bouygues Télécom Caraïbe, SRR et Orange Réunion avaient, dans leur réponse à la consultation publique en date du 16 avril 2004 sur l'analyse des marchés de la terminaison d'appel vocal sur les réseaux mobiles, indiqué qu'ils subissaient des coûts supplémentaires à ceux des opérateurs de métropole. Ceux-ci auraient trois principales sources :

- l'éloignement de la métropole ;

- les intempéries ;

- la taille des marchés.

Concernant la zone Antilles-Guyane, il a aussi été indiqué que l'exploitation d'un réseau sur des territoires non contigus était un facteur de coût supplémentaire.

L'Autorité estime qu'en effet il peut exister des facteurs de coûts supplémentaires à ceux de la métropole. Néanmoins, il existe aussi des facteurs de réduction de coûts. Ainsi, les parts de marché en parc d'abonnés d'Orange Caraïbe pour la zone Antilles-Guyane (60 %) et de SRR (72 %) sont très nettement supérieures à celle des opérateurs mobiles de métropole (Orange France détient 45 % de parts de marché au 31 décembre 2006).

Ces éléments sont confirmés par les niveaux de coûts fournis par Orange Caraïbe et SRR pour l'année 2002 qui ne sont que légèrement supérieurs à ceux estimés pour Orange France et SFR pour la même année.

S'agissant d'Orange Réunion, Bouygues Télécom Caraïbe, SMM, Dauphin Télécom, SPM Télécom, St Martin & St Barthélemy Tel Cell et Outremer Télécom, les éléments dont dispose l'Autorité la conduisent à considérer que les tarifs de terminaison d'appel pratiqués sont sensiblement supérieurs aux coûts de référence définis en IV-1, ou à tout le moins aux coûts pertinents pour la terminaison d'appel vocal que supporte un opérateur mobile efficace.

L'Autorité en conclut qu'il existait pour chacun des opérateurs des marges réelles de baisse.

En conclusion, l'ARCEP considère qu'en l'absence de régulation de la charge de terminaison d'appel Outremer Télécom est en mesure d'agir indépendamment des acheteurs sur le marché de la terminaison d'appel vocal sur son réseau. Le système dans lequel le client de détail d'Outremer Télécom n'est pas facturé pour les appels qu'il reçoit n'introduit quasiment aucune pression concurrentielle sur le prix de la terminaison d'appel vocal facturé par Outremer Télécom à un opérateur tiers.


(8) Les opérateurs concernés sont Bouygues Telecom Caraïbe, SMM et Dauphin Télécom. (9) La terminaison d'appel de Bouygues Telecom Caraïbe, en 2004, était 11 % plus chère que celle d'Orange Caraïbe et 19 % en 2005. La terminaison d'appel de SMM en 2004 était 3,6 % plus chère que celle d'Orange Caraïbe et 4 % en 2005. la terminaison d'appel de Dauphin Telecom en 2004 était 45 % plus chère que celle d'Orange Caraïbe et 87 % plus chère en 2005. La terminaison d'appel de Tel Cell est 73 % plus chère que celle d'Orange Caraïbe en 2006. (10) Source ARCEP.

I-4. Evolution prévisible de la situation concurrentielle


Les obstacles au développement d'une concurrence effective sur le marché de la terminaison d'appel mobile sont structurels et ne sont donc pas susceptibles d'évoluer a priori sur l'horizon de la période d'analyse (2006-2007).

L'Autorité estime que la faible élasticité de la demande de services téléphoniques par rapport au prix des appels entrants n'évoluera pas dans une proportion susceptible de créer une pression concurrentielle significative sur les charges de terminaison d'appel.

L'Autorité observera néanmoins avec attention le fonctionnement du marché et anticipera le prochain exercice d'analyse du marché si cette analyse prospective ne se vérifiait pas.


I-5. Prise en compte des contributions à la première consultation publique du 13 avril 2006


Sur le pouvoir d'achat compensateur de la part des clients sur le marché de gros (I-2.1), Orange Caraïbe, dans sa réponse à la consultation publique, souligne que :

« Dans son projet de décision no 2006-0454, l'Autorité précise que "Les principaux clients d'Outremer Telecom en part de marché sont France Télécom et Orange Caraïbe. Il est à noter à ce titre qu'Orange Caraïbe n'achète pas en direct à Outremer Telecom de prestation de terminaison d'appel sur le réseau de ce dernier, et ne peut donc de ce fait exercer de pouvoir d'achat compensateur significatif. Bien au contraire, depuis l'ouverture commerciale d'Outremer Télécom, Orange Caraïbe supporte une charge de terminaison d'appel considérable au regard du trafic associé. De plus, bien que l'écart de prix moyen de terminaison d'appel entre les deux opérateurs s'élève à 127 % en 2006, l'écart entre les tarifs de détail On net et Off net ne dépasse pas 34 %. [Secret des affaires] »



I-6. Prise en compte de l'avis du Conseil de la concurrence


Conformément à l'article L. 37-1 du CPCE, l'Autorité a sollicité l'avis du Conseil de la concurrence, sur l'influence significative de la société Outremer Télécom sur le marché de gros de la terminaison d'appel vocal sur son réseau mobile, le 13 avril 2006.

Le 20 juin 2006, le Conseil de la concurrence a rendu un avis (11) invitant l'Autorité à compléter son analyse « notamment sur le fonctionnement concurrentiel du marché de détail associé au marché de gros dont la régulation était envisagée » (12).

Des éléments complémentaires ont alors été fournis par l'ARCEP le 14 décembre 2006, que le Conseil de la concurrence a pris en compte avant de rendre son avis no 07-A-01 le 1er février 2007.

Le Conseil de la concurrence souligne dans son avis no 07-A-01 que « en l'espèce, plusieurs éléments expliquent cependant que cette puissance des acheteurs ne peut efficacement s'exercer pour contraindre à la baisse les terminaisons d'appel des opérateurs concernés », notamment Outremer Télécom. Sur la différenciation tarifaire, le Conseil de la concurrence rejoint l'analyse de l'Autorité et précise que « [...] la multiplication des différenciations tarifaires sur le marché de détail peut être génératrice d'externalités négatives pour le consommateur du fait de la moindre lisibilité des tarifs de détail. L'ensemble de ces contraintes est pris en compte par les opérateurs achetant la terminaison d'appel dans leur tarification et le marketing de leurs offres » (13) et le Conseil conclut que « [...] les différenciations tarifaires exposées ci-dessus n'ont donc pas fait pression sur le niveau de charge de terminaison d'appel mobile d'Outremer Télécom » (14).

Concernant la situation d'Outremer Télécom, le Conseil rappelle que : « l'utilisation des mécanismes de "hérissons ne pouvant être généralisée, celle-ci ne pourrait faire peser qu'une pression marginale sur le niveau de la charge de terminaison d'appel d'Outremer Télécom. [...] Dès lors, la mise en place de ces derniers (ou sa menace) n'est pas de nature à équilibrer de manière sensible le pouvoir de monopole d'Outremer Télécom [...] » (15) sur sa terminaison d'appel.

Ainsi le Conseil de la concurrence conclut dans son avis no 07-A-01 qu'il « partage l'analyse de l'ARCEP selon laquelle les terminaisons d'appel sur les réseaux des opérateurs mobiles Outremer Télécom et Tell Cell constituent des marchés pertinents distincts sur lesquels chacun des deux opérateurs détient un monopole qu'aucun contrepouvoir n'est en mesure d'équilibrer. ».

S'agissant de l'existence d'obstacles au développement d'une concurrence effective, le Conseil de la concurrence confirme l'analyse de l'ARCEP concernant la puissance d'Outremer Télécom sur le marché pertinent de gros de terminaison d'appel :

« Sur le marché de gros, le caractère monopolistique des terminaisons d'appels mobiles d'Outremer Télécom ainsi que l'insuffisance des freins à l'exercice du pouvoir de marché des opérateurs, telle qu'elle ressort de l'analyse menée ci-dessus, constituent des obstacles au développement d'une concurrence effective. »


(11) L'avis no 06-A-11 du Conseil de la concurrence. (12) Point 1 de l'avis no 07-A-01 du Conseil de la concurrence. (13) Point 11 de l'avis no 07-A-01 du Conseil de la concurrence en date du 1er février 2007. (14) Point 13 de l'avis no 07-A-01 du Conseil de la concurrence. (15) Point 14 de l'avis no 07-A-01 du Conseil de la concurrence.

I-7. Observations des autorités réglementaires nationales et de la Commission européenne


Aucune autorité réglementaire nationale n'a transmis d'observation à l'Autorité.

La Commission européenne n'a pas transmis d'observation à l'Autorité sur cette partie de l'analyse.


I-8. Conclusion sur l'influence significative exercée par Outremer Télécom sur le marché

de gros de la terminaison d'appel vocal sur son réseau mobile dans la zone Antilles-Guyane


A titre liminaire, l'ARCEP a pris en compte à travers l'évolution de sa rédaction le commentaire d'Orange Caraïbe (cf. partie I-5) relatif au fait que seul France Télécom est interconnecté directement avec Outremer Télécom :

« Les principaux clients d'Outremer Télécom en parts de marché sont France Télécom (qui achète directement à Outremer Télécom des prestations de terminaison d'appel) et Orange Caraïbe (qui achète via France Telecom les prestations de terminaison d'appel fournies par Outremer Télécom) ».

En conséquence de l'analyse présentée, au regard des éléments complémentaires transmis par l'Autorité au Conseil de la concurrence et de l'avis rendu par ce dernier le 1 er février 2007, l'Autorité maintient sa conclusion selon laquelle Outremer Télécom doit être réputé exercer une influence significative sur le marché pertinent de gros de terminaison d'appel vocal sur son réseau à destination de ses clients dans la zone Antilles-Guyane et que compte tenu des obstacles identifiés, il est donc nécessaire d'imposer à Outremer Télécom certaines obligations.


II. - Objectifs de l'action réglementaire, influence significative et obligations imposées


L'imposition d'obligations ex ante, prévue à l'article L. 38 du code des postes et des communications électroniques, doit être motivée et proportionnée au regard des objectifs de l'action réglementaire listés à l'article L. 32-1 du code (II-1). Ces obligations sont imposées sur la terminaison d'appel vocal pour remédier aux obstacles au bon fonctionnement du marché découlant de la capacité d'Outremer Télécom à exercer une influence significative sur ce marché (II-2).


II-1. Principes généraux


La finalité de la conduite des analyses de marchés est d'identifier les marchés pertinents, les opérateurs réputés exercer une influence significative sur un de ces marchés et de déterminer les obligations spécifiques qui doivent être imposées de manière motivée et proportionnée au regard des objectifs de l'action réglementaire. Concrètement, il peut s'agir soit d'imposer de nouvelles obligations, soit de maintenir les obligations qui existent déjà, soit de procéder à leur levée si la situation concurrentielle le justifie.


II-1.1. Objectifs de l'ARCEP


L'article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques précise les objectifs qui doivent guider l'action générale de l'ARCEP et donc en particulier son intervention dans le cadre des analyses de marché :

« Dans le cadre de leurs attributions respectives, le ministre chargé des communications électroniques et l'Autorité de régulation des télécommunications prennent, dans des conditions objectives et transparentes, des mesures raisonnables et proportionnées aux objectifs poursuivis et veillent :

1. A la fourniture et au financement de l'ensemble des composantes du service public des communications électroniques ;

2. A l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques ;

3. Au développement de l'emploi, de l'investissement efficace dans les infrastructures, de l'innovation et de la compétitivité dans le secteur des communications électroniques ;

4. A la définition de conditions d'accès aux réseaux ouverts au public et d'interconnexion de ces réseaux qui garantissent la possibilité pour tous les utilisateurs de communiquer librement et l'égalité des conditions de la concurrence ;

5. Au respect par les opérateurs de communications électroniques du secret des correspondances et du principe de neutralité au regard du contenu des messages transmis, ainsi que de la protection des données à caractère personnel ;

6. Au respect, par les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques de l'ordre public et des obligations de défense et de sécurité publique ;



7. A la prise en compte de l'intérêt des territoires et des utilisateurs, notamment handicapés, dans l'accès aux services et aux équipements ;

8. Au développement de l'utilisation partagée entre opérateurs des installations mentionnées aux articles L. 47 et L. 48 ;

9. A l'absence de discrimination, dans des circonstances analogues, dans le traitement des opérateurs ;

10. A la mise en place et au développement de réseaux et de services et à l'interopérabilité des services au niveau européen ;

11. A l'utilisation et à la gestion efficaces des fréquences radioélectriques et des ressources de numérotation ;

12. A un niveau élevé de protection des consommateurs, grâce notamment à la fourniture d'informations claires, notamment par la transparence des tarifs et des conditions d'utilisation des services de communications électroniques accessibles au public ;

13. Au respect de la plus grande neutralité possible, d'un point de vue technologique, des mesures qu'ils prennent ;

14. A l'intégrité et la sécurité des réseaux de communications électroniques ouverts au public. »


II-1.2. Définition des obligations


La directive « Accès » définit les obligations qui peuvent être imposées à un opérateur disposant d'une influence significative sur un marché de gros. Conformément au considérant 14 de la même directive, il s'agit d'un ensemble maximal d'obligations pouvant être imposées.

L'article 8 la directive « Accès » prévoit également que les obligations imposées sont fondées sur la nature du problème constaté, proportionnées et justifiées au regard des objectifs énoncés dans l'article 8 de la directive « Cadre ».

Par ailleurs, le paragraphe 118 des Lignes directrices indique qu'un projet de mesure est considéré comme compatible avec le principe de proportionnalité si la mesure à prendre poursuit un but légitime et si les moyens employés sont à la fois nécessaires et aussi peu contraignants que possible.

L'article L. 38 I du code des postes et des communications électroniques prévoit que « les opérateurs réputés exercer une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques peuvent se voir imposer, en matière d'interconnexion et d'accès, une ou plusieurs des obligations [...], proportionnées à la réalisation des objectifs mentionnés à l'article L. 32-1 ».

Il s'agit des obligations suivantes de :

- rendre publiques des informations concernant l'interconnexion ou l'accès, notamment publier une offre technique et tarifaire détaillée d'interconnexion ou d'accès lorsqu'ils sont soumis à des obligations de non discrimination ;

- fournir des prestations d'interconnexion ou d'accès dans des conditions non discriminatoires ;

- faire droit aux demandes raisonnables d'accès à des éléments de réseau ou à des moyens qui y sont associés ;

- ne pas pratiquer de tarifs excessifs ou d'éviction sur le marché en cause et pratiquer des tarifs reflétant les coûts correspondants ;

- isoler sur le plan comptable certaines activités en matière d'interconnexion ou d'accès.

S'agissant de l'accès, l'Autorité peut imposer à un opérateur réputé exercer une influence significative de faire droit aux demandes raisonnables notamment lorsqu'elle considère qu'un refus ou des propositions déraisonnables empêcheraient l'émergence d'un marché de détail concurrentiel durable ou risqueraient d'être préjudiciables aux utilisateurs finaux.

Dans ce cadre, l'Autorité peut préciser les contours de l'obligation de faire droit aux demandes raisonnables d'accès en imposant certains des mécanismes spécifiques qui figurent notamment à l'article D. 310 du code des postes et des communications électroniques.

En outre, lorsque l'Autorité apprécie le caractère proportionné des obligations d'accès qu'elle est susceptible d'imposer, elle veille notamment à prendre en compte les critères d'analyse suivants mentionnés à l'article L. 38-V du code des postes et des communications électroniques :

- la viabilité technique et économique de l'utilisation ou de la mise en place de ressources concurrentes, compte tenu du rythme auquel le marché évolue et de la nature et du type d'interconnexion et d'accès concerné ;

- le degré de faisabilité de la fourniture d'accès proposée, compte tenu de la capacité disponible ;

- l'investissement initial réalisé par le propriétaire des ressources, sans négliger les risques inhérents à l'investissement

- la nécessité de préserver la concurrence à long terme ;

- le cas échéant, les éventuels droits de propriété intellectuelle pertinents ;

- la fourniture de services paneuropéens.


II-2. Obstacles au développement d'une concurrence effective


En vertu des articles L. 37-1 et L. 38 du code des postes et des communications électroniques, la mise en oeuvre, par l'Autorité, d'obligations ex ante au niveau des marchés de gros, doit permettre « de lever ou d'atténuer les obstacles au développement d'une concurrence effective », ces obstacles étant identifiés au cours de l'analyse des marchés. Il convient donc de procéder à cet examen en ce qui concerne Outremer Télécom.

Ces obstacles sont de trois ordres :

- la capacité d'Outremer Télécom à faire obstruction lors des négociations des conventions d'interconnexion avec un opérateur tiers compte tenu de sa position monopolistique sur le marché ;

- la capacité d'Outremer Télécom à mettre en oeuvre des discriminations abusives compte tenu de son intégration verticale sur le marché de la téléphonie mobile (partie III) ;

- l'absence de pression concurrentielle sur les prix de terminaison d'appel (partie IV).


III. - Capacité d'obstruction des négociations et de discrimination abusive compte tenu

de l'influence significative, de la position de monopole et de l'intégration verticale d'Outremer Télécom


Eu égard à la capacité d'Outremer Télécom à faire obstruction lors des négociations des conventions d'interconnexion (et de leurs avenants successifs) et à mettre en oeuvre des discriminations abusives compte tenu de l'influence significative qu'il exerce sur le marché, de sa position de monopole structurel sur le marché de la terminaison d'appel vocal vers son réseau et de son intégration verticale sur le marché du mobile/mobile, l'Autorité estime nécessaire de :

- permettre l'interconnexion et l'accès dans des conditions efficaces (obligation d'accès III-1) ;

- éviter que l'opérateur favorise ses propres services de détail sur la téléphonie mobile, ou une société partenaire (obligation de non-discrimination III-2) ;

- donner de la visibilité aux acheteurs sur un élément essentiel de leur plan d'affaires (obligation de transparence III-3).


III-1. Prestations d'interconnexion et d'accès au réseau mobile


L'article L. 38 I 3° du CPCE et l'article 12 de la directive « Accès » prévoient que l'ARCEP peut imposer des obligations d'accès à un opérateur disposant d'une influence significative.

Afin de permettre l'interopérabilité des services et des investissements efficaces au titre de l'interconnexion ou de l'accès et compte tenu de la position monopolistique d'Outremer Télécom sur le marché, l'Autorité estime nécessaire d'imposer une obligation d'accepter toute demande raisonnable d'interconnexion et d'accès, à des fins de terminer du trafic vocal à destination des abonnés d'Outremer Télécom, conformément à l'article D. 310 1° du code des postes et des communications électroniques. Compte tenu de l'impossibilité pour un opérateur souhaitant terminer un appel sur le réseau de déployer ses propres infrastructures, cette obligation est donc justifiée et proportionnée, notamment au regard de l'objectif visant à « [définir des] conditions d'accès aux réseaux ouverts au public et d'interconnexion de ces réseaux qui garantissent la possibilité pour tous les utilisateurs de communiquer librement et l'égalité des conditions de la concurrence ».

L'Autorité note à cet égard que les prestations d'interconnexion et d'accès, proposées aujourd'hui par Outremer Télécom, que ce soit pour l'acheminement du trafic de terminaison ou pour l'accès à ses sites, semblent a priori raisonnables puisqu'elles ont été proposées par l'opérateur mobile lui-même. En outre, l'opérateur mobile a de lui-même ouvert à l'interconnexion certains sites de commutation, il semble donc a priori raisonnable que ces points restent ouverts à l'interconnexion. Cette obligation répond donc aux critères imposés par l'article L. 38 IV bis du code susvisé.

Dans le cadre de son analyse prospective, l'Autorité estime qu'il n'y a pas lieu d'aller au-delà de l'obligation générale, et d'imposer par avance des obligations spécifiques et en particulier un ensemble minimal de prestations, dans la mesure où Outremer Télécom continue à offrir des services de terminaison d'appel vocal et d'accès aux sites d'interconnexion de qualité ou de caractéristiques au moins équivalentes à celles que l'opérateur proposait jusqu'à présent.

En cas de modification d'une prestation existante par Outremer Télécom, l'Autorité sera attentive à ce que l'évolution ne nuise pas à l'efficacité de l'interconnexion ou de l'accès entre opérateurs. Une telle évolution devra en conséquence être communiquée aux opérateurs interconnectés avec des préavis suffisants (cf. III-3).

L'Autorité estime que si un opérateur demandait à Outremer Télécom un nouveau service d'interconnexion ou d'accès non couvert par l'offre d'interconnexion ou d'accès existante de l'opérateur mobile, cette demande relèverait en premier lieu de la négociation entre les opérateurs.



III-2. Obligation de non-discrimination


L'article L. 38 I 2° du CPCE prévoie que l'Autorité peut imposer l'obligation de « fournir des prestations d'interconnexion ou d'accès dans des conditions non discriminatoires ».

Comme le précise le considérant 17 de la directive « accès », l'application d'une obligation de non-discrimination permet de garantir que les entreprises puissantes sur un marché de gros ne faussent pas la concurrence sur un marché de détail, notamment lorsqu'il s'agit d'entreprises intégrées verticalement qui fournissent des services à des entreprises avec lesquelles elles sont en concurrence sur des marchés en aval.

Conformément à l'article D. 309 du code des postes et des communications électroniques, les obligations de non-discrimination font notamment en sorte que les opérateurs appliquent des conditions équivalentes dans des circonstances équivalentes aux autres opérateurs fournissant des services équivalents lorsqu'ils fournissent l'accès et l'interconnexion.

La grande technicité des prestations d'interconnexion ou d'accès rend aisée pour un opérateur puissant l'offre de conditions techniques et tarifaires différentes pour ses différents clients, ses partenaires et ses propres services.

Des conditions techniques et tarifaires discriminatoires sur le marché de gros seraient préjudiciables à la concurrence sur les marchés de détail aval des communications fixe vers mobile et des communications mobile vers mobile. Il est donc justifié et proportionné d'introduire une obligation de non-discrimination, d'une part entre clients, et d'autre part entre clients et services internes, notamment au regard de l'objectif visant à garantir « l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques » et « l'absence de discrimination, dans des circonstances analogues, dans le traitement des opérateurs ».

Ainsi, un opérateur puissant n'est pas autorisé à pratiquer des conditions différenciées quand la prestation d'interconnexion fournie est la même (16).

L'allocation des coûts communs entre services de détail et de gros de l'opérateur doit être non discriminatoire, comme indiqué dans la partie IV-1.


(16) Par exemple, la mise en place d'une tarification intégrant des prix indépendants du volume de trafic livré se traduit par des coûts moindres pour les opérateurs livrant d'importants volumes. Une telle tarification n'est autorisée que si elle reflète l'économie du réseau et les coûts encourus par l'opérateur. Ainsi la tarification d'un coût fixe par BPN n'est pas discriminatoire si elle traduit l'existence de coûts fixes indépendants du volume. De même la mise en place d'une modulation horaire doit refléter dans une certaine mesure l'économie de l'opérateur. En revanche, des remises au volume appliquées directement sur les tarifs à la minute ou les tarifications incluant des périodes indivisibles sont a priori non compatibles avec cette obligation.



III-3. Obligation de transparence


L'article L. 38 (I-1°) du CPCE prévoit que l'ARCEP peut demander à un opérateur disposant d'une influence significative de rendre publiques certaines informations relatives à l'interconnexion et à l'accès.

Comme le précise le considérant 16 de la directive « Accès », « la transparence des modalités et conditions relatives à l'accès et à l'interconnexion, ainsi qu'à la tarification, permet d'accélérer les négociations, d'éviter les litiges et de convaincre les acteurs du marché que les conditions dans lesquelles un service précis leur est fourni ne sont pas discriminatoires ».

L'imposition de telles obligations pour les prestations de terminaison d'appel sur les réseaux mobiles permet d'assurer le respect de l'obligation de non-discrimination ou, en tout état de cause, de dissuader les opérateurs de mettre en oeuvre des pratiques discriminatoires.

Ces obligations doivent en outre permettre de faciliter les négociations en vue de la mise en oeuvre de l'interconnexion directe entre opérateurs mobile lorsqu'une telle interconnexion s'avère pertinente économiquement.

Compte tenu de ces objectifs, l'Autorité estime nécessaire d'imposer à Outremer Télécom les obligations suivantes :

- informer l'Autorité de la signature ou de la modification de tout accord d'interconnexion ou d'accès signé avec lui concernant la fourniture de prestations de terminaison d'appels vocal, dans un délai de sept jours à compter de sa signature ;

- publier les principaux tarifs ;

- informer les opérateurs partie à une convention d'interconnexion ou d'accès, dans un délai de préavis raisonnable, de toute modification des conditions techniques ou tarifaires de ces prestations de terminaison d'appel, et de toute évolution de nature à contraindre ces derniers à modifier ou adapter leurs installations.

Ces obligations sont proportionnées au regard des objectifs fixés à l'article L. 32-1-II du code des postes et des communications électroniques, en particulier ceux visés aux 2°, 4° et 9°.


III-3.1. Conventions d'interconnexion


L'article L. 34-8 du code des postes et des communications électroniques prévoit que toute convention d'interconnexion ou d'accès doit être transmise à l'ARCEP à sa demande.

L'Autorité estime que l'exercice de cette possibilité ne suffira pas au cas d'espèce pour lui permettre de suivre l'évolution des accords conclus par Outremer Télécom, et notamment de s'assurer de l'absence de comportement éventuellement discriminatoire. Elle estime donc proportionné d'imposer l'obligation d'informer l'Autorité de la signature ou de la modification de tout accord d'interconnexion ou d'accès concernant la fourniture de prestations de terminaison d'appels vocal dans un délai de sept jours à compter de sa signature.


III-3.2. Publication des principaux tarifs


L'analyse de la situation outre-mer conduit l'Autorité à considérer qu'il n'est pas justifié d'imposer la publication d'une offre de référence à Outremer Télécom.

En revanche, et conformément à l'article D. 307-III du code des postes et des communications électroniques, il est nécessaire qu'Outremer Télécom publie sur son site internet ses principaux tarifs relatifs à la terminaison d'appel vocal. Les opérateurs achetant une prestation de transit pour terminer des appels vers Outremer Télécom pourront ainsi connaître la part de charges de terminaison dans le prix du transit. En outre, la connaissance de ces tarifs de gros peut être utile à des utilisateurs finals afin de mieux analyser les offres de détail proposées.



III-3.3. Information préalable des modifications contractuelles


Les acheteurs de terminaison d'appel ont besoin de visibilité sur cet élément essentiel de leur plan d'affaires. Conformément à l'article D. 307 du CPCE, l'Autorité impose donc à Outremer Télécom de prévenir ses clients dans un délai raisonnable des modifications de ses conditions techniques et tarifaires (17).

Le caractère raisonnable du délai doit s'apprécier au regard des conséquences techniques, économiques, commerciales ou juridiques sur l'opérateur interconnecté ou bénéficiant d'un accès et de la nécessité pour ce dernier d'assurer la continuité de son service.

L'Autorité considère qu'il n'est pas nécessaire de fixer a priori ces délais mais que, pour assurer la transparence nécessaire, Outremer Télécom doit mettre en oeuvre ce principe dans ses conventions.


(17) Dans le cadre des éléments complémentaires transmis au Conseil de la concurrence le 14 décembre 2006, l'Autorité a rappelé l'importance de notifier les principales modifications relatives aux conditions tarifaires de fourniture de la terminaison d'appel par un opérateur donné - en l'espèce Outremer Telecom - dans un délai raisonnable afin que les autres opérateurs puissent mettre en place les évolutions de leurs offres de détail prenant en compte les modifications contractuelles relatives aux prestations de gros.

IV. - Absence de pression concurrentielle sur les prix de la terminaison d'appel


Outremer Télécom est puissant sur le marché de la terminaison d'appel. Au surplus, il n'existe quasiment pas de pression concurrentielle sur les prix de sa terminaison d'appel. Cette situation pourrait l'amener à pratiquer des prix de monopole en l'absence de régulation.

Une telle situation justifie la mise en place d'une obligation de contrôle des prix conformément à l'article L. 38 (I, 4°) du CPCE et l'article 13 de la directive « Accès ».

Pour démontrer que l'imposition d'une telle obligation est justifiée, l'Autorité définit dans un premier temps les coûts de référence sur la base de règles d'allocation répondant aux objectifs qui lui ont été fixés (partie IV-1).

S'agissant des charges de terminaison d'appel, l'absence de pression concurrentielle sur les prix de terminaison d'appel justifie la mise en place d'un contrôle tarifaire consistant en une interdiction de pratiquer des tarifs excessifs (partie IV-2.1).

S'agissant des prestations d'accès aux sites, le contrôle tarifaire se traduit également par une obligation de refléter les coûts correspondants.


IV-1. Détermination des coûts de référence : règles d'allocation et niveaux


La décision no 2005-0960 de l'ARCEP en date du 8 décembre 2005 définit les modalités d'application de l'obligation de séparation comptable et de comptabilisation des coûts imposée à la société Orange France, à la Société française du radiotéléphone, à la société Bouygues Telecom, à la société Orange Caraïbe et à la Société réunionnaise du radiotéléphone en raison de leur influence significative sur les marchés de gros de la terminaison d'appel vocal sur leur réseau respectif.

Il s'agit de définir, dans le contexte des règles retenues dans cette décision, les coûts de référence qui permettent d'éclairer les niveaux actuels de charge de terminaison d'appel vocal d'Outremer Télécom.

L'économie d'un opérateur mobile est décrite en annexe A. La formation et l'allocation des coûts sont détaillées ci-après. Les principes généraux retenus sont rappelés en partie IV-1.1, et les parties IV-1.2 et IV-1.3 sont consacrées à la formation et à l'allocation des coûts de réseaux et des coûts commerciaux, qui constituent les principaux coûts d'un opérateur mobile.

La partie IV-1.4 analyse la nature et l'allocation des coûts communs. Plusieurs opérateurs ont évoqué dans leurs réponses aux consultations publiques antérieures une allocation de ces coûts communs en fonction des principes dits de Ramsey-Boiteux. Cette partie explique pourquoi l'Autorité n'a pas retenu une telle approche dans son analyse.


IV-1.1. Principes généraux


Les principes généraux sont définis dans la directive « Accès » et le code des postes et des communications électroniques (IV-1.1.1). Les coûts de référence sont les coûts d'un opérateur efficace (IV-1.1.2), en utilisant une valorisation pertinente de l'actif (IV-1.1.3). Les coûts sont en outre allouables à trois prestations principales, correspondant à deux sources de revenu (IV-1.1.4).


IV-1.1.1. Directive « Accès » et CPCE


Le considérant 20 de la directive « Accès » dispose :

« Lorsqu'une autorité réglementaire nationale calcule les coûts engagés pour établir un service rendu obligatoire par la présente directive, il convient de permettre une rémunération raisonnable du capital engagé, y compris les coûts de main-d'oeuvre et de construction, la valeur du capital étant adaptée, le cas échéant, pour refléter l'évaluation actualisée des actifs et de l'efficacité de la gestion. La méthode de récupération des coûts devrait être adaptée aux circonstances en tenant compte de la nécessité de promouvoir l'efficacité et une concurrence durable et d'optimaliser les profits pour le consommateur. »

L'alinéa 2 de l'article 13 indique :

« Les autorités réglementaires nationales veillent à ce que tous les mécanismes de récupération des coûts ou les méthodologies de tarification qui seraient rendues obligatoires visent à promouvoir l'efficacité économique, à favoriser une concurrence durable et à optimiser les avantages pour le consommateur. »

Il ressort de la directive « Accès » que l'imposition d'un contrôle de prix et l'allocation des coûts sous-jacente doivent promouvoir l'efficacité économique.

En outre, le premier principe d'allocation des coûts est le principe de causalité. Selon ce principe, un coût doit être alloué à la prestation qui a induit ce coût. Néanmoins, afin d'« optimiser les avantages pour le consommateur », d'autres éléments peuvent être pris en considération.

L'article D. 311 du code des postes et des communications électroniques précise, quant à lui, que l'Autorité doit veiller à la mise en oeuvre de méthodes qui « promeuvent l'efficacité économique, favorisent une concurrence durable et optimisent les avantages pour le consommateur ».


IV-1.1.2. Coûts de référence : les coûts d'un opérateur efficace


Les lignes directrices adoptées par l'Autorité en 2001 se fondaient sur les coûts historiques, c'est-à-dire les coûts tels qu'ils sont reflétés par la comptabilité de l'opérateur. De ce fait, la topologie du réseau et, de façon générale, les choix d'exploitation et de dimensionnement de l'opérateur n'étaient pas mis en cause.

Les opérateurs mobiles ont déployé leur réseau dans un contexte fortement concurrentiel et ont connu une croissance très rapide de leur trafic. Ils pourraient donc être considérés comme efficaces, au regard de ce qu'aurait été l'économie d'un opérateur théorique déployant un réseau sur la base des meilleures techniques et méthodes d'ingénierie actuellement disponibles. Par conséquent, l'appréciation de l'efficacité économique des opérateurs mobiles sur la base des coûts historiques comptables était appropriée et ne présentait pas d'inconvénients.



L'Autorité considère que ces conclusions ne sont pas fondamentalement remises en causes par les évolutions récentes du secteur. Cependant, elle estime qu'il est important de pouvoir faire référence aux coûts d'un opérateur efficace agissant dans des conditions équivalentes, de manière à établir une tarification juste économiquement et incitative à l'efficacité. Ceci peut conduire notamment à ne pas prendre en compte les choix historiques de l'opérateur qui se seraient révélés inefficaces, et à considérer par exemple une méthodologie dite des coûts moyens incrémentaux de long terme dans une approche de modélisation dite bottom-up.

De la même manière, dans la continuité de la décision no 2001-458 susvisée et en l'état actuel de l'examen de la pertinence des méthodes envisageables de valorisation d'actifs, l'Autorité a décidé dans la décision no 2005-0960 de maintenir à ce stade la méthode des coûts historiques pour la restitution des éléments de coûts et de revenus des opérateurs concernés.


IV-1.1.3. Valorisation des actifs


Les équipements de réseau supportant les activités de l'opérateur correspondent à une dépense d'investissement ; cette dépense est répartie dans le temps en fonction de la durée de vie probable des équipements. Le coût d'investissement des actifs s'apprécie donc annuellement. Ce coût annuel correspond à la perte de valeur irréversible des équipements au cours de l'année considérée, il est égal à la somme des amortissements enregistrés en charge d'exploitation de l'année et de la rémunération du patrimoine immobilisé. L'évaluation de la perte de valeur devrait être conforme aux conventions comptables adoptées par les opérateurs et certifiées par les commissaires aux comptes.

L'évaluation du coût de capital des actifs de réseau repose sur une méthode comptable. Celle-ci utilise la durée de vie comptable de l'équipement, sa valeur nette comptable, un taux de rémunération du capital et la valeur des amortissements de l'année selon la formule suivante :

At = (1 + k)* Kt-l - Kt

Le coût annuel de capital (At) se compose de deux termes :

(i) le coût d'usage du capital (dépréciation) : Kt-l - Kt ;

(ii) la rémunération k*Kt-l du capital immobilisé Kt-l au taux de rémunération k.

Ainsi, à titre illustratif, un commutateur (MSC) d'une valeur de 4 millions d'euros, amorti comptablement sur huit ans, en tenant compte d'un taux de rémunération du capital (k) de 15 %, a un coût de capital, la cinquième année, se décomposant de la manière suivante :

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Vous pouvez consulter le tableau en cliquant,
en bas du document, dans l'encart "version PDF"
JO no 122 du 27/05/2007 texte numéro 16
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Tableau 1 : exemple de calcul de coût annuel de capital d'un actif (source : décision ART no 2001-458).

La méthode employée requiert de déterminer un taux de rémunération du capital. Celui-ci doit être conforme à la rémunération normalement exigée par les créanciers et les actionnaires. Son évaluation est fondée sur la méthode du modèle d'équilibre des actifs financiers (MEDAF) (cf. annexe 2 des lignes directrices de la décision no 2001-458).

Dans cette méthode, le coût des capitaux propres fait notamment appel à un facteur ß mesurant le risque systématique des fonds propres. Une attention particulière sera portée à l'évaluation de ce facteur dans le secteur des mobiles. En ce qui concerne la durée de vie des équipements, il appartient aux opérateurs de fournir les éléments relatifs à la révision des plans d'amortissement initialement approuvés par les commissaires aux comptes et de présenter l'impact d'un amortissement exceptionnel ou d'une provision sur le coût annuel de capital.

Le taux de rémunération du capital représentatif du risque lié à l'activité mobile en France avait été évalué en 2001 à 17 % avant impôts. Une nouvelle estimation réalisée en 2004 évaluait à 15 % avant impôts.


IV-1.1.4. Principes généraux d'allocation des coûts


Afin d'allouer les coûts, on peut distinguer trois prestations principales qu'un opérateur mobile offre à son client :

- l'accès à son réseau, c'est-à-dire la connexion à un réseau qui lui permet de communiquer et d'être joint partout à l'intérieur des zones de couverture de l'opérateur mobile. L'inducteur de coût principal est le nombre de clients.

- les communications sortantes qui sont passées par le client final de l'opérateur mobile. L'inducteur de coût principal est le volume de trafic sortant.

- les communications entrantes ou la réception d'appel à destination du client mobile. L'inducteur de coût principal est le volume de trafic entrant.

On peut donc distinguer les coûts directement liés à chacune de ces trois prestations, des autres coûts. Les coûts liés directement à une prestation sont les coûts incrémentaux de production (18) de ce service. Les « autres coûts » sont alors considérés comme les coûts communs, au sens large du terme.

Néanmoins, l'opérateur ne dispose que de deux sources de revenus principales : la facturation des appels sortants (revenu de détail), et la facturation des appels entrants (revenu de gros). Ces coûts directs et ces coûts communs doivent donc être de nouveau alloués afin d'être recouvrés par la facturation des appels entrants ou sortants.

Conformément au principe de causalité, les coûts directement alloués aux communications sortantes sont recouvrés par la facturation des appels sortants, de même que les coûts directement alloués aux communications entrantes sont recouvrés par la facturation des appels entrants.

En revanche, les coûts directement alloués à l'accès au réseau, ainsi que les coûts communs, doivent être réalloués afin d'être recouvrés par la facturation des appels sortants ou des appels entrants. Pour cela, il doit être pris en compte le fait que les appels sortants sont facturés à l'abonné mobile qui appelle, alors que les appels entrants sont facturés à l'opérateur voulant terminer un appel sur le réseau mobile.

Les coûts de production sont composés principalement des coûts de réseau et des coûts d'interconnexion. Ces derniers étant directement allouables au service causant ces coûts, parmi les coûts de production, seuls les coûts de réseau nécessitent une étude détaillée.

L'allocation des coûts de réseau, des coûts commerciaux et des coûts communs est étudiée dans les parties suivantes.




Vous pouvez consulter le tableau dans le JO

n° 122 du 27/05/2007 texte numéro 16



(18) Les coûts incrémentaux d'un service s'entendent comme le coût de production de ce service, étant supposé que tous les autres services sont déjà produits. Ainsi par exemple si une usine de coût fixe C produit des automobiles A (coûts « variables » CA) et B (coûts « variables » CB), le coût incrémental de A est CA, celui de B est CB et les coûts communs correspondent à C. Il convient dans cet exemple d'allouer à chacun des services son coût incrémental car directement lié au service (CA pour A et CB pour B) puis d'allouer les coûts communs C, plus indirects, selon des clés d'allocation à définir.

IV-1.2. Coûts de réseau : formation et allocation non discriminatoire


Les coûts de production liés au réseau comprennent les coûts d'exploitation et les amortissements des actifs nécessaires pour rendre à l'appelant le service considéré, incluant la rémunération du capital immobilisé.

Les coûts de réseau peuvent être alloués en utilisant une matrice de facteurs d'usage entre macro-éléments et types d'appel. Certains de ces facteurs sont objectifs, comme le nombre de boucles locales empruntées par un appel on-net ou une terminaison d'appel. D'autres, comme la répartition des coûts de localisation entre appels sortants et appels entrants, seront définis par l'Autorité après concertation de l'ensemble des opérateurs.

L'Autorité reprend le principe de non-discrimination qui prévalait dans les lignes directrices, à savoir que le coût d'utilisation d'un élément de réseau rapporté à l'unité d'oeuvre adéquate (minute, appel,...) est le même que ce soit pour les usages internes de l'opérateur (communications de détail) ou pour l'usage par des opérateurs tiers (prestations d'interconnexion).

Ce principe est celui qui a été retenu jusqu'à présent pour la régulation des prix d'interconnexion mobile et fixe. Il permet de répondre à l'objectif de concurrence loyale sur les marchés de détail en évitant de faire supporter des coûts différents à des acteurs qui auraient le même usage du réseau. Vu la délimitation des marchés de détail retenus, cette règle doit être appliquée entre opérateurs fixes, entre opérateurs mobiles mais aussi entre ces deux catégories d'opérateurs, au regard des risques de contournement de trafic et au regard de l'évolution des marchés de communications électroniques qui pourraient amener à plus de convergence entre les marchés fixes et mobiles.

La méthode retenue consiste alors :

- à découper le réseau en différents macro-éléments (commutateurs, antennes radio, registre d'abonné, etc.) ;

- à associer à chacun d'entre eux un inducteur de coûts (minute, appel, nombre de clients,...) ;

- à mesurer le volume d'unités d'oeuvre pour chacun d'entre eux (il s'agit par exemple pour un commutateur de mesurer le volume annuel de minutes empruntant l'ensemble des commutateurs) ;

- à mesurer le coût des macro-éléments et de les rapporter à une unité d'oeuvre pour en déduire un coût unitaire de chaque macro-élément.

Le produit de ces coûts unitaires des macro-éléments par les statistiques d'usage de ces mêmes macro-éléments par les différents types de communication permet de déterminer un coût unitaire pour chaque type de communication.


IV-1.3. Coûts commerciaux : formation et question de l'allocation aux appels entrants


Les coûts commerciaux ne sont pas causés par les appels entrants (IV-1.3.1). Lors du premier price cap en métropole, il avait été admis que la tarification de l'entrant puisse contribuer temporairement au recouvrement des coûts commerciaux (IV-1.3.2). Ce mécanisme ne pourrait perdurer que s'il existe une externalité positive pour l'appelant (IV-1.3.3). Or, il apparaît que non seulement cette externalité est a priori de très faible amplitude et complexe à calculer, mais en outre la prise en compte d'une telle externalité pour la terminaison mobile serait discriminatoire vis-à-vis des opérateurs fixes (IV-1.3.4).



IV-1.3.1. Question de l'allocation des coûts commerciaux aux appels entrants


En se référant aux trois prestations que peut fournir l'opérateur mobile (accès à son réseau, appels sortants et appels entrants), on constate que les coûts commerciaux sont liés soit à l'accès au réseau, soit aux appels sortants :

- les coûts de marketing et de publicité sont allouables à la prestation d'accès au réseau si leur objectif est de gagner de nouveaux clients ou de garder des clients existants, et sont allouables à la prestation d'appels sortants si leur objectif est d'augmenter la consommation des clients ;

- les coûts de vente et distribution sont principalement allouables à la prestation d'accès puisqu'ils sont principalement liés au gain de nouveaux clients ;

- les coûts de service client sont principalement allouables à la prestation de communications sortantes puisqu'ils sont principalement liés à des appels de client concernant leur consommation d'appels sortants ;

- les coûts de facturation-recouvrement sont allouables, pour ceux liés à la consommation d'appels sortants, à la prestation d'appels sortants et, pour ceux indépendants de la consommation d'appels sortants, à la prestation d'accès au réseau.

En application du principe de causalité, les coûts de facturation-recouvrement alloués à la prestation d'accès doivent être recouvrés par la facturation de l'abonné mobile, et donc des appels sortants.

Les coûts de marketing et publicité, et les coûts de vente et distribution allouables à la prestation d'accès nécessitent un examen plus approfondi pour déterminer s'ils doivent être recouvrés par la facturation de l'abonné mobile ou de l'opérateur appelant.

Ces coûts ne sont pas causés par un appel entrant. Cependant, au-delà de l'absence de lien de causalité, il pourrait être pris en compte une éventuelle externalité positive pour l'appelant que l'appelé soit client mobile. De manière schématique, il s'agirait de faire contribuer l'appelant à la subvention du terminal de l'appelé.


IV-1.3.2. Situation historique dans le secteur mobile


Les opérateurs mobiles se sont développés historiquement avec des charges de terminaison d'appel élevées et sensiblement supérieures aux seuls coûts de réseau, que ce soit en France ou dans de nombreux autres pays européens. Le système du calling party pays a conduit à faire financer indirectement une partie des coûts commerciaux très importants des opérateurs mobiles par les appels entrants, et a ainsi facilité l'accession de nouveaux clients au réseau mobile.

Cette situation a été prise en compte par l'Autorité dans les lignes directrices adoptées par la décision no 2001-458 qui précisent que « le coût correspondant aux activités de marketing, de fidélisation et de vente est imputable aux abonnés de l'opérateur mobile. Toutefois, une contribution des tarifs des appels entrants à certains coûts commerciaux pourra être retenue pour tenir compte, dans le contexte d'une période de développement et de renouvellement du marché, des coûts encourus par les opérateurs pour piloter cette évolution » et que « l'Autorité appréciera, au regard des éléments transmis par les opérateurs, la contribution qu'elle estime raisonnable et équitable ».

Dans le cadre de la présente analyse, l'Autorité souhaite réexaminer la pertinence d'une telle contribution. Il convient d'examiner, d'une part, selon quels principes les clients des autres opérateurs mobiles et des opérateurs fixes pourraient être mis à contribution pour couvrir une partie des coûts commerciaux, et d'autre part, si ces principes sont pertinents pour la période d'analyse considérée.

Une telle contribution n'est alors envisageable que si la politique commerciale menée par l'opérateur mobile présente un intérêt pour les appelants, auquel cas il convient de prendre en compte cette externalité de réseau.


IV-1.3.3. Notion d'externalité de réseau


Une externalité est le coût ou le bénéfice, imposé à une ou plusieurs parties, par la décision d'achat (ou de production) d'un service par une autre partie. Dans la mesure où le coût (bénéfice) n'affecte pas la personne qui prend la décision, celui-ci n'en tient pas compte dans son choix. Ainsi l'existence d'externalités peut conduire à des choix sous-optimaux. Afin d'atteindre une meilleure efficacité économique, il peut donc être décidé d'internaliser cette externalité dans les prix (et donc dans l'allocation des coûts).

La question de l'externalité de réseau se pose principalement dans le secteur mobile pour la prestation d'accès et les coûts associés, qui permettent au client mobile d'appeler mais aussi d'être appelé sur son téléphone mobile : le choix de se connecter peut donc se traduire par des bénéfices pour lui-même mais aussi pour d'autres personnes qui pourront alors l'appeler dans sa mobilité.

Pour certains consommateurs, il peut donc y avoir un sens à leur facturer dans certains cas des prix de détail en dessous de leurs coûts, c'est-à-dire à les subventionner, pour les inciter à devenir, ou rester, clients d'un opérateur mobile. Dans ce cas, une partie des coûts, notamment commerciaux, peut être supportée par les autres personnes pouvant tirer bénéfice de cette situation, à savoir les appelants.

Cette prise en charge ne concerne alors que les abonnés « marginaux » qui ne se seraient pas raccordés à un réseau mobile ou qui auraient résilié leur abonnement mobile s'ils avaient eu à supporter directement l'ensemble des coûts qu'ils induisent directement (par exemple les coûts commerciaux) par l'intermédiaire des prix de détail. Dans un tel cas, la contribution des appels entrants doit se limiter aux subventions que la communauté des appelants est prête à concéder pour ces abonnés. Ce montant correspond au bénéfice qu'ils retirent de leur faculté à terminer des communications vocales vers ce nouveau client mobile.


IV-1.3.4. Question de la prise en compte d'une éventuelle externalité de réseau


L'Autorité considère que la prise en compte d'une telle externalité dans le prix de la terminaison d'appel vocal n'est pas justifiée sur la période considérée.


IV-1.3.5. Respect du principe de neutralité vis-à-vis des opérateurs fixes

et moindre justification dans des marchés matures


Les opérateurs fixes n'ont pas inclus une telle externalité de réseau dans leur charge de terminaison d'appels par le passé. En effet, le cadre réglementaire ne prévoyait pas la prise en compte de tels coûts pour l'opérateur fixe puissant sur le marché de l'interconnexion (à savoir France Télécom de 1998 à 2004). En outre, les charges de terminaison sur les autres réseaux fixes déterminées lors de règlements de différends ont respecté un principe de réciprocité.

Cette non-prise en compte se justifie pour deux raisons sur le marché fixe. Tout d'abord, le marché fixe voix a atteint une certaine maturité. On observe une certaine stabilité du parc des lignes fixes. Les effets d'externalité de réseau sont limités. Enfin, la prise en compte de coûts commerciaux dans la charge de terminaison d'appel représente un risque, puisqu'elle revient à faire financer une partie de la politique commerciale de l'opérateur par des concurrents. Une mauvaise appréciation du dispositif peut se traduire par des distorsions concurrentielles et une inefficacité économique.

Sans préjuger des analyses de marché qui seront menées sur le marché fixe, il semble que les charges de terminaison d'appels continueront à exclure de telles externalités de réseau.

La prise en compte d'une éventuelle externalité de réseau pour la terminaison d'appel sur les réseaux mobiles conduirait donc à une différence de traitement entre opérateurs mobiles et fixes. Cette différenciation pouvait historiquement résulter de dynamiques de marché différentes, les opérateurs mobiles ayant connu une croissance forte dans les années 1990 alors que le marché fixe montrait une certaine maturité en terme de parc. Dans la période d'analyse considérée, les services mobiles vocaux devraient connaître a priori une croissance moindre que dans les années 90. Une différenciation ne paraît plus justifiée. Elle serait préjudiciable aux opérateurs fixes, qui pourraient dans certains cas subventionner les coûts d'acquisition d'un client mobile qui résilie une ligne fixe.

Certains opérateurs mobiles avaient contesté, dans le cadre de la consultation publique du 16 avril 2004, l'analyse de l'Autorité en précisant que le monopole historique de France Télécom sur le marché du fixe justifie une régulation différente de celui du marché mobile et que les opérateurs fixes et mobiles ne sont pas sur le même marché et donc ne sont pas en concurrence entre eux.

L'Autorité considère que, s'il existe des différences structurelles entre le marché fixe et le marché mobile, celles-ci ne sont cependant pas suffisantes pour justifier que les opérateurs fixes subventionnent les coûts d'acquisition d'un client mobile qui résilie une ligne fixe. Par ailleurs l'Autorité est tenue d'assurer une concurrence loyale entre acteurs du secteur. Si les opérateurs fixes et mobiles ne sont pas considérés comme intervenant directement dans un même marché de détail, il convient d'assurer une certaine neutralité de traitement entre ces acteurs dans un contexte où il pourrait se dessiner un mouvement de convergence fixe-mobile et que le développement du fixe, qui stagne voire décroît actuellement, doit dans les prochaines années s'expliquer au regard des qualités propres des services de téléphonie fixe et mobile et non de déséquilibres sur les marchés de gros.


IV-1.3.6. Faiblesse du niveau de l'éventuel externalité au regard

des coûts de référence et des prix de terminaison d'appel


La mesure des effets de l'externalité de réseau est par nature difficile.

Elle revient dans un premier temps à évaluer, pour chaque personne ne disposant pas d'un mobile, le budget qu'elle est prête à consacrer à la connexion à un réseau mobile en fonction de l'utilité qu'elle en retire.

Ce budget est alors comparé au coût d'acquisition de client pour identifier la part qu'une personne est prête à prendre à sa charge. Ce coût d'acquisition du client serait le coût minimal de connexion d'un client ne souhaitant passer que des appels vocaux et en recevoir. Il n'inclut donc pas tous les coûts liés à d'autres services, par exemple de type appareil photos.

La différence entre ce coût et le budget du client final devrait être prise en charge par le reste des clients si elle reste inférieure à l'utilité qu'ils tirent de cette connexion.

Une telle évaluation est complexe car elle suppose une connaissance approfondie de l'utilité que peuvent tirer les nouveaux accédants aux services mobiles mais aussi les autres clients mobile et fixe d'une connexion à un réseau mobile. Justifiée par la recherche d'une meilleure efficacité économique, une survalorisation peut néanmoins conduire à des distorsions concurrentielles qui pourraient être non négligeables puisqu'elle revient alors à faire financer une partie de la politique commerciale de l'opérateur mobile par ses concurrents ou par les opérateurs fixes.

Enfin, l'effet à terme devrait être minime, comme en témoigne le calcul d'un majorant de cette externalité. En effet, en supposant, au vu des évolutions récentes, une croissance nette annuelle d'un million de clients mobiles à un terme assez proche, et en considérant l'intégralité du coût d'acquisition d'un client (estimé à 150 EUR par abonné), le coût à recouvrer est de 150 MEUR.

En considérant que le nouveau client mobile tire un bénéfice double de celui tiré par les clients qui l'appellent, ce qui correspondrait à un facteur RG utilisé par l'Oftel au Royaume-Uni de 1,5, les appels entrants devraient recouvrer 50 MEUR. Sur la base d'un volume de trafic entrant (incluant les appels on-net) d'environ 40 milliards de minutes (volume 2002), on obtient comme majorant une surcharge à la minute d'environ 0,13 centime d'euro.



SFR avait contesté, dans le cadre de la consultation publique du 16 avril 2004, ce montant et avait estimé qu'il devrait être supérieur à celui pris par l'Ofcom (0,45 ppm, soit 0,65 cEUR/minute) à cause de la plus faible pénétration du mobile en France qu'au Royaume-Uni.

Il faut cependant noter que l'Ofcom a étudié plusieurs modélisations selon la capacité des opérateurs mobiles à discriminer leurs tarifs et leurs subventions pour les différentes catégories d'abonnés. Ces modélisations conduisent à des résultats compris entre 0,9 ppm (1,35 cEUR/minute) et 0,06 ppm (0,09 cEUR/minute). En l'absence de critère objectif pour choisir l'une des modélisations, l'Ofcom a jugé raisonnable de prendre une valeur intermédiaire, à savoir 0,45 ppm.

L'ARCEP a réalisé dans le cadre de sa consultation publique du 16 avril 2004, une première évaluation pour éclairer le secteur sur les ordres de grandeur d'une telle valeur et note qu'aucun opérateur n'a apporté un éclairage sur cette évaluation au regard des caractéristiques du marché français ; elle considère que les ordres de grandeur ne sont pas contredits par les valeurs retenues par l'Ofcom, qui indiquent qu'une telle externalité représente moins de 10 % des autres coûts allouables à la prestation de terminaison d'appel.

Elle souligne que la mesure d'une telle externalité dépend par ailleurs de la maturité du marché observé et que les évaluations sur le marché britannique concernent l'année 2005, alors que, de fait, le contrôle des prix imposé en France pour les prochaines années tolérera encore une contribution du prix de terminaison d'appel aux coûts commerciaux au-delà des niveaux déterminés par l'Ofcom.


IV-1.3.7. Conclusion sur la non-prise en compte des coûts commerciaux


Eu égard à la complexité de la mesure d'une telle externalité, à son niveau a priori très faible comparé à la charge de terminaison d'appel, et des risques de distorsion concurrentielle qu'elle pourrait entraîner, l'Autorité considère que les coûts pertinents pour l'interconnexion ne doivent pas inclure de coûts commerciaux.


IV-1.4. Formation et allocation des coûts communs


L'Autorité maintient les principes définis dans la décision 2001-458, à savoir un périmètre des coûts communs limité aux seuls coûts de structure et une allocation à chaque service sous la forme d'une majoration proportionnelle aux coûts de production et aux coûts commerciaux du service considéré (système EPMU equiproportionate mark-up).


IV-1.5. Conclusion sur les coûts de référence : périmètre et niveaux


Les coûts allouables aux services d'interconnexion comprennent les coûts de réseau ainsi qu'une contribution aux coûts communs entendus comme les coûts de structure, alloués proportionnellement aux autres coûts (système EPMU) et non selon le principe de Ramsey-Boiteux (19). L'opérateur peut en outre recouvrer des coûts spécifiques à la mise en oeuvre de l'interconnexion (prestations à l'acte par exemple).

En revanche, les coûts commerciaux ne peuvent pas être inclus dans les coûts pertinents d'interconnexion pour les raisons invoquées précédemment.


(19) Principe de Ramsey-Boiteux consiste, pour l'imputation des coûts communs, à majorer les coûts directs de chaque produit d'une partie des coûts communs dépendant de l'élasticité de la demande finale, les différents produits se voyant imputés une partie des coûts communs inversement proportionnelle à l'élasticité-prix de leur demande.

IV-2. Obligation de contrôle des prix


L'article 13 de la directive « Accès » ainsi que l'article L. 38-I (4°) du CPCE prévoient que l'Autorité peut imposer à un opérateur disposant d'une influence significative différentes obligations visant à assurer le contrôle des prix des offres d'accès et d'interconnexion, y compris l'obligation pour les tarifs de refléter les coûts.

A cet égard, l'Autorité estime justifié de limiter les obligations imposées à Outremer Télécom en matière de contrôle des prix à celle de « ne pas pratiquer de tarifs excessifs ».

Outremer Télécom, de par son influence significative sur son marché de terminaison d'appel, peut pratiquer des prix qui ne seraient pas conformes aux objectifs de concurrence loyale poursuivis par l'ARCEP. Comme il a été démontré précédemment par la présente décision, les prestations de terminaison d'appel ont une importance particulière.

En outre, du fait du modèle économique dit du « calling party pays » qui prévaut, les conditions économiques de la vente de ces prestations influent directement sur les conditions d'exercice de la concurrence entre les opérateurs de boucle locale sur le marché de détail.

En effet, dans ce modèle économique, c'est l'appelant qui se voit facturer l'intégralité des charges liées à l'acheminement des appels vers les personnes qu'il appelle, y compris vers les abonnés raccordés à d'autres réseaux. Ainsi de nombreux tarifs que peuvent offrir les opérateurs mobiles sur le marché de détail sont contraints par les charges de terminaison d'appel facturées par les autres opérateurs mobiles, qui sont en même temps leurs concurrents directs sur le marché de détail.

Il en résulte qu'il n'existe intrinsèquement pas, ou peu, d'incitation économique pour les opérateurs mobiles à fixer leurs charges de terminaison d'appel à des niveaux « concurrentiels », c'est-à-dire à des niveaux qui pourraient être constatés si ces prestations étaient soumises à une concurrence effective.

Les obligations définies dans la partie III en termes d'accès, de non-discrimination et de transparence, ne sont pas de nature à y remédier. Il est donc justifié et proportionné d'imposer une obligation de contrôle des prix au regard de la quasi-absence de pression concurrentielle sur ce marché.

S'agissant des prestations d'acheminement, au vu de l'absence de pression concurrentielle sur les prix de terminaison d'appel, l'Autorité impose un contrôle tarifaire consistant en l'obligation de ne pas pratiquer des tarifs excessifs (IV-2.1)

Par ailleurs l'Autorité impose un contrôle tarifaire consistant en une obligation de refléter les coûts correspondants pour les prestations d'accès aux sites d'interconnexion.


IV-2.1. Acheminement de trafic de terminaison : prix non excessif

IV-2.1.1. Prix non excessifs


L'ARCEP estime nécessaire que les prix des charges de terminaison d'appel convergent à terme vers les niveaux de coûts de référence définis précédemment.

Il est à noter que :

- l'Autorité, par sa décision no 2005-0112 impose à Orange Caraïbe l'obligation de pratiquer des prix reflétant les coûts correspondants et un encadrement tarifaire de trois ans (jusqu'au 31 décembre 2007) conduisant à une baisse de l'ordre 50 % ;

- Orange Caraïbe détient 60 % du parc mobile de la zone Antilles-Guyane, et Outremer Télécom 12 % au 31 décembre 2006 (20) ;

- l'Autorité apprécie le caractère excessif des tarifs de terminaison d'appel vocal mobile au regard de leurs valeurs absolues, notamment en rapprochant ces valeurs des niveaux de coûts pertinents qu'un opérateur dit efficace est amené à supporter, en particulier lors de la fourniture des prestations de gros de terminaison d'appel ;

- l'Autorité apprécie également le caractère excessif des tarifs de terminaison d'appel vocal mobile au regard des écarts de tarifs de gros qui peuvent ainsi exister entre les différents opérateurs, en particulier entre ceux soumis à une obligation d'orientation vers les coûts et donc à un price cap spécifié par l'Autorité et ceux soumis à une obligation de non-excessivité de leurs tarifs de terminaison d'appel vocal mobile ;



- à ce titre, l'Autorité rappelle qu'elle avait estimé dans sa décision no 2006-0551 en date du 30 mai 2006 se prononçant sur un différend opposant les sociétés France Télécom et Neuf Telecom concernant la tarification de la prestation de terminaison d'appel fixe que l'application de la notion de prix non excessifs pouvait se traduire par la nécessité de « limiter l'écart entre le tarif de la terminaison d'appel de Neuf Telecom et celui de France Télécom et donc de fixer le tarif de la prestation de terminaison d'appel de Neuf Telecom en référence à la structure de tarification de France Télécom » de façon à limiter les éventuelles distorsions concurrentielles pouvant exister sur les marchés de détail sous-jacents.

Au vu de ces éléments, et compte tenu de l'analyse développée dans les éléments complémentaires transmis au Conseil de la concurrence le 14 décembre 2006, l'Autorité considère que l'imposition à Outremer Telecom d'une obligation de pratiquer des prix non excessifs est suffisante pour que celui-ci fasse évoluer ses tarifs pour tendre vers l'objectif précédemment cité.

Néanmoins, si l'Autorité constatait que cette obligation n'est pas suffisante, elle serait amenée à réexaminer par anticipation les obligations imposées à Outremer Telecom.


(20) Selon les données collectées dans le cadre du suivi des indicateurs mobiles (SIM).

IV-2.1.2. Structure de tarification d'Outremer Telecom


Jusqu'au 31 décembre 2006, Outremer Telecom avait fixé un prix moyen de TA à 37,37 cEUR selon la statistique ARCEP (spécifiée en annexe A) et avec une structure tarifaire constituée d'un crédit temps avec période indivisible de 60 secondes, facturé 30 cEUR, puis d'un prix à la minute, décompté à la seconde, au-delà du crédit temps. Ce prix à la minute est de 30 cEUR/min en heures pleines et de 30 cEUR/min en heures creuses. Ce tarif est applicable pour tous les appels en provenance de la métropole, des DOM et de l'international.

Par courrier en date du 6 février 2007 dont l'Autorité a reçu une copie, Outremer Telecom a notifié unilatéralement à France Télécom les modifications apportées à ses tarifs de terminaison d'appel. L'ensemble des modifications notifiées prennent effet de manière rétroactive au 1er janvier 2007.

Pour rappel, France Télécom est aujourd'hui le seul acheteur direct de terminaison d'appel sur le réseau mobile d'Outremer Telecom dans la zone Antilles-Guyane.

En premier lieu, Outremer Telecom modifie la structure de tarification de sa terminaison d'appel (au-delà des niveaux chiffrés la caractérisant) en supprimant les crédits temps avec période indivisible, en introduisant une charge d'établissement d'appel (CEA), et en facturant dès la première seconde. Par ailleurs il ne pratique pas de modulation horaire.

L'Autorité estime que cette structuration de tarification de la charge de terminaison d'appel, et notamment la suppression du crédit temps, respecte le principe selon lequel un opérateur demandeur ne paye une prestation d'interconnexion ou d'accès qu'en fonction du service rendu.

S'agissant des niveaux des tarifs relatifs à la structure de tarification, Outremer Telecom a notifié les éléments suivants (en hors-taxe) :

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Vous pouvez consulter le tableau en cliquant,
en bas du document, dans l'encart "version PDF"
JO no 122 du 27/05/2007 texte numéro 16
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La structure de tarification précédemment exposée conduit pour l'année 2007 aux prix moyens suivants (calculés selon la statistique de l'ARCEP) :

- en Guyane, le prix moyen de terminaison d'appel est de 21,5 cEUR/minute (HT) ;

- pour les départements de la Guadeloupe et de la Martinique dont le lancement commercial date de la fin 2005, le prix moyen de l'appel est de 25,7 cEUR/minute (HT).

L'Autorité tient à souligner que les niveaux de terminaisons d'appel précités sont construits au regard de la loi statistique de l'ARCEP qui considère qu'en moyenne une durée d'un appel est de 100 secondes (21).

L'Autorité prend acte des baisses des tarifs de terminaisons d'appel d'Outremer Telecom et de la réduction des écarts entre les tarifs d'Outremer Telecom avec ceux d'Orange Caraïbe, opérateur orienté vers les coûts. Par ces évolutions, Outremer Telecom prend en compte le mouvement général de baisse des tarifs de terminaison d'appel (pour les tarifs 2007 de l'ensemble de la zone, Antilles compris) et anticipe le processus de réduction des écarts de terminaisons d'appel entre acteurs (pour les tarifs 2007 de Guyane).

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, du déploiement soutenu par Outremer Telecom qui lui a permis d'anticiper ses obligations de couverture en termes de populations (22), du fait qu'il n'a pas bénéficié d'accord d'itinérance nationale sur le réseau déployé par ses concurrents, l'Autorité considère en l'espèce que les niveaux de charges d'interconnexion fixés par Outremer Telecom pour l'année 2007 ne sont pas contraires à l'obligation de ne pas pratiquer des prix excessifs imposée par la présente analyse.


(21) Si l'on se fonde sur la même forme de loi statistique (Weibull) caractérisée par une durée moyenne d'un appel plus proche de la réalité du marché, à savoir de 60 secondes (alpha étant maintenu constant et beta étant ajusté à 42 pour obtenir une telle durée moyenne), on obtient alors des prix moyens de terminaison d'appel pour l'année 2007 de 24,6 cEUR/minute pour la Guyane et de 29,4 cEUR/minute pour les Antilles. Si l'on applique enfin la méthodologie de calcul de prix moyens de terminaison d'appel retenue par la Commission européenne (appel d'une durée de 3 minutes passé en heures pleines), on obtient alors des prix moyens de terminaison d'appel pour l'année 2007 de 19,5 cEUR/minute pour la Guyane et de 23,3 cEUR/minute pour les Antilles. (22) Outremer Telecom estime avoir rempli ses obligations pour la zone Antilles-Guyane (obligation de couverture de 75 %) puisque l'opérateur estime qu'au 30 juin 2006 son réseau GSM couvrait 97 % de la population en Martinique, 91 % de la population en Guadeloupe, et 89 % de la population en Guyane.

IV-2.2. Prestations d'accès aux sites d'Outremer Telecom : obligation de refléter les coûts correspondants


L'Autorité considère qu'il est important que les prix de ces prestations reflètent les coûts des ressources réellement utilisées.

L'opérateur dispose d'un monopole sur la fourniture d'offre de colocalisation et il est donc important qu'il ne s'éloigne pas du niveau des coûts correspondant à cette prestation minimale d'accès.

S'agissant des autres prestations d'accès aux sites, pour lesquels il s'avérerait que seul l'opérateur mobile est à même de fournir le service le plus efficace économiquement, l'Autorité estime raisonnable que l'opérateur demandant l'interconnexion ne paie qu'à hauteur des ressources utilisées. L'Autorité considère donc que les tarifs de ces prestations doivent refléter les coûts correspondants.

Enfin, l'opérateur doit veiller à proposer des tarifs qui reflètent les coûts correspondants pour toutes les prestations à l'acte en relation avec la terminaison d'appel vocal, qu'il est le seul à pouvoir fournir.



IV-2.3. Prise en compte des contributions aux deux consultations publiques

(13 avril 2006 et 16 février 2007)


Dans ses réponses aux deux consultations publiques, Orange Caraïbe souhaite que la charge d'établissement d'appel soit supprimée dans les plus brefs délais car cela a conduit à l'augmentation du prix moyen de la terminaison d'appel sur le réseau de certains opérateurs de la zone, ceci étant en totale contradiction avec l'objectif de régulation du marché.

Dans sa réponse du 13 avril, Orange Caraïbe rappelle que « l'obligation de passage à une structure tarifaire sans crédit temps a incité la plupart des opérateurs de la zone Antilles-Guyane à adopter une structure tarifaire avec une charge d'établissement d'appel et ce afin de minimiser l'impact de cette mesure sur leur revenu. En effet, la mise en place de charge d'appel élevée a des effets comparables à celle d'une structure tarifaire avec une première minute indivisible, puisqu'elle s'applique à tous les appels, indépendamment de la durée de l'appel, agissant ainsi comme un palier de facturation. Ce système a inévitablement engendré une augmentation des prix moyens pour certaines durées d'appels, ainsi qu'Orange Caraïbe a pu le constater sur les échanges avec certains opérateurs du marché ».

L'Autorité rappelle que si la structuration de tarification de la charge de terminaison d'appel appliquée par Outremer Télécom avant la date du 1er janvier 2007 ne respectait effectivement pas le principe selon lequel un opérateur demandeur ne paye une prestation d'interconnexion ou d'accès qu'en fonction du service rendu, elle considère que tel est désormais le cas avec la structure tarifaire appliquée par cet opérateur depuis le 1er janvier 2007 dans la mesure où elle ne comporte plus de crédit temps.

Dans sa réponse en date du 16 février 2007, Orange Caraïbe estime que l'application d'une tarification différente par Outremer Télécom entre les Antilles et la Guyane n'est pas conforme à la définition du marché pertinent des Antilles Guyane.

L'Autorité indique que la date d'entrée d'un opérateur sur le marché est un des éléments pouvant être pris en compte dans l'appréciation du caractère excessif du prix de sa terminaison d'appel. L'Autorité note que cette analyse rejoint d'ailleurs le commentaire de la commission qui souligne que « certaines justifications [à l'asymétrie] pourraient se fonder sur [...] des différences de date d'entrée sur le marché » (cf. infra). Or, l'Autorité rappelle qu'Outremer Télécom a ouvert commercialement ses services mobiles en novembre 2004 pour la Guyane et une année plus tard, en novembre 2005, pour les îles de la Martinique et de la Guadeloupe.


IV-2.4. Observations des autorités réglementaires nationales et de la Commission européenne


Aucune autorité réglementaire nationale n'a transmis d'observation à l'Autorité.

La Commission européenne a transmis le 16 mars 2007 ses observations à l'Autorité en rappelant que :

« Les charges de terminaison devraient en principe être symétriques et que l'asymétrie doit être adéquatement justifiée. Elle reconnaît que, dans certains cas exceptionnels, l'asymétrie pourrait être justifiée par des différences de coûts objectives que les opérateurs concernés ne peuvent maîtriser. Certaines justifications pourraient se fonder sur ces différences objectives de coûts du réseau ou sur des différences de date d'entrée sur le marché. »

La Commission note également qu'Outremer Télécom « n'est entrée que récemment sur le marché, ce qui pourrait justifier temporairement une certaine asymétrie des charges de terminaison ».

Enfin, la Commission « invite l'ARCEP lorsqu'elle révisera les obligations tarifaires à tenir compte de la nécessité pour tout opérateur de devenir un jour efficace »,

Décide :


Article 1


Outremer Télécom, société anonyme à conseil d'administration, immatriculée sous le numéro SIRET 4791 972 870 0036 au registre du commerce et des sociétés de Paris et dont le siège social est situé au 14, boulevard Poissonnière, 75009 Paris (9e), exerce une influence significative sur le marché de gros de la terminaison d'appel vocal sur son réseau mobile.

Article 2


Outremer Télécom doit faire droit à toute demande raisonnable de prestations d'accès et d'interconnexion relatives à la terminaison d'appel vocal.

Article 3


Outremer Télécom doit offrir ses prestations d'accès et d'interconnexion relatives à la terminaison d'appel vocal dans des conditions non discriminatoires.

Article 4


Outremer Télécom est soumis à une obligation de transparence. A ce titre, l'opérateur informe ses clients de terminaison d'appel vocal des évolutions de ses conditions techniques et tarifaires en respectant des délais de préavis raisonnables. Les principaux tarifs relatifs à la terminaison d'appel vocal sont publiés sur le site internet de l'opérateur. L'opérateur informe l'Autorité de la signature d'une nouvelle convention d'interconnexion ou d'un avenant à une convention existante dans un délai de sept jours à compter de la signature du document.

Article 5


Outremer Télécom est soumis à l'obligation de ne pas pratiquer, pour ses prestations de terminaison d'appel vocal, des prix excessifs.

Article 6


Outremer Télécom offre des prestations d'accès aux sites relatives à la terminaison d'appel vocal à des tarifs reflétant les coûts correspondants.

Article 7


La présente décision s'applique jusqu'au 31 décembre 2007 sans préjudice d'un éventuel réexamen anticipé conformément aux dispositions des articles D. 302 et D. 303 du code des postes et des communications électroniques.

Article 8


Le directeur général de l'Autorité est chargé de l'application de la présente décision. Il notifiera à Outremer Télécom cette décision ainsi que ses annexes qui seront publiées au Journal officiel de la République française.


Fait à Paris, le 29 mars 2007.


Le président,

P. Champsaur





A N N E X E A

STATISTIQUE D'APPELS DE RÉFÉRENCE


La statistique d'appels de référence est la suivante :

Répartition du trafic suivant les plages horaires :

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Vous pouvez consulter le tableau en cliquant,
en bas du document, dans l'encart "version PDF"
JO no 122 du 27/05/2007 texte numéro 16
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Distribution des durées d'appel :

La probabilité qu'un appel ait une durée inférieure à x secondes suit la loi statistique F telle que



Vous pouvez consulter le tableau dans le JO

n° 122 du 27/05/2007 texte numéro 16





Cette loi conduit à une durée moyenne des appels de 100 secondes.


A N N E X E B

ÉCONOMIE D'UN OPÉRATEUR MOBILE


Cette annexe s'inspire des lignes directrices adoptées par l'Autorité par la décision no 2001-458 du 11 mai 2001. Elle en reprend les principes généraux en les adaptant si nécessaire.


B-1. Prestations offertes par l'opérateur mobile


On peut distinguer trois prestations principales qu'un opérateur mobile offre :

- l'accès à son réseau, c'est-à-dire la connexion à un réseau qui lui permet de communiquer et d'être joint partout à l'intérieur des zones de couverture de l'opérateur mobile ;

- les communications sortantes qui sont passées par le client final de l'opérateur mobile ;

- les communications entrantes et la réception d'appel à destination du client mobile.


B-2. Postes de coûts d'un opérateur mobile


Sont pris en compte les coûts opérationnels, y compris la dotation aux amortissements des immobilisations et les coûts de financement (taux de rémunération du capital).

Les coûts d'un opérateur mobile peuvent se représenter selon la nomenclature suivante :

(C-1) coûts de production ;

(C-2) coûts commerciaux ;

(C-3) coûts communs.


C-1. Les coûts de production

C-1.1. Les coûts de réseau


Ils correspondent à la planification, la construction et l'exploitation du réseau ; ils se traduisent par cinq principaux postes de coût :

Les coûts d'équipements techniques : pour les équipements propres, il s'agit des coûts d'investissement (amortissement économique incluant la rémunération du capital), pour les autres équipements, il s'agit des coûts de location correspondant. Ces coûts peuvent prendre en compte la fiscalité ayant pour assiette les équipements correspondants. Ces équipements correspondent, pour le sous-système radio et le coeur de réseau :

- aux équipements de transmission (y compris génie civil, fibres optiques et liaisons louées) ;

- aux équipements de commutation et de routage ;

- aux équipements permettant la fourniture de services complémentaires (messagerie vocale en particulier) ;

- aux bâtiments techniques (sites radio compris) ;

- au système d'information (coûts de création et d'évolution des systèmes d'information permettant l'exploitation du réseau).

Les coûts d'exploitation du réseau, qui sont essentiellement des coûts de personnel, comprennent également des coûts de prestations externes. Ces coûts s'entendent au sens large et recouvrent tant la partie des coûts d'exploitation liés à la planification et à la construction du réseau que la partie maintenance et exploitation des éléments de réseau ;

Les taxes et redevances correspondant aux redevances d'utilisation des fréquences, à l'octroie de licences ainsi qu'aux taxes locales non allouables aux équipements ;

Les coûts de recherche et développement imputables aux activités de réseaux (la recherche fondamentale est allouée aux coûts communs) ;

Les coûts divers correspondant aux coûts de réseau ne pouvant être intégrés dans les cinq premiers postes.


C-1.2. Les coûts d'interconnexion


La directive « Accès » définit l'interconnexion comme : « la liaison physique et logique de réseaux de communications publics utilisés par la même entreprise ou une entreprise différente, afin de permettre aux utilisateurs d'une entreprise de communiquer avec les utilisateurs de la même entreprise ou d'une autre, ou bien d'accéder aux services fournis par une autre entreprise ».




L'achat d'interconnexion aux opérateurs tiers comprend l'achat de capacités (BPN) et de volumes. L'opérateur tiers peut être un opérateur mobile, un opérateur de réseau fixe commuté ou bien un autre type d'opérateur (par exemple un fournisseur d'accès à un réseau de données comme Internet).


C-1.3. Les coûts de prestation de service


Les coûts de prestation de service comprennent :

Les coûts de prestations de service de contenu :

- les prestations de services par l'opérateur (gratuits ou payants) à l'exception du service client pris en compte dans C-2.3 ;

- l'achat en gros de services : il s'agit notamment d'achats aux fournisseurs de contenus multimédias.

Les coûts d'itinérance de bout en bout : il s'agit des reversements effectués par l'opérateur à un opérateur généralement étranger qui achemine une communication d'un client de l'opérateur français.


C-2. Les coûts commerciaux


Les coûts commerciaux peuvent se diviser en quatre catégories :


C-2.1. Marketing et publicité


Marketing (de l'étude de marché à la conception des offres commerciales). Il s'agit notamment de cibler la prospection en fonction de l'analyse de la concurrence et du positionnement de l'offre ; de définir les objectifs de vente ; et de développer, lancer et adapter les produits ;

Publicité (coûts internes et agences de publicité). Il s'agit de définir, réaliser et tester les campagnes de promotion et de publicité.


C-2.2. Distribution et vente


La distribution comprend :

- la vente qui se décompose en plusieurs activités : assurer les ventes, accueillir et renseigner le client, et organiser et suivre les forces de vente ;

- l'administration de la vente qui consiste à traiter les commandes ;

La distribution concerne deux types de produits :

- distribution de produits de détail par le réseau commercial propre de l'opérateur ou en dehors ;

- distribution de produits de gros aux opérateurs (interconnexion, itinérance, accès).

A cela s'ajoutent :

- les coûts d'achat de terminaux qui représentent les coûts bruts d'achat des terminaux et dispositifs associés.


C-2.3. Les coûts de services clients


Le service client se décompose en deux parties :

Le support après-vente, qui comprend deux activités :

- d'une part, accueillir la clientèle, traiter les réclamations, réaliser les essais, rétablir l'accès au réseau ;

- et d'autre part réparer les terminaux.

Le service d'assistance : il s'agit d'accueillir et de renseigner la clientèle (notamment sur leur consommation).

Ce service peut être assuré en propre, et, dans ce cas, les coûts, principalement des coûts de personnel, correspondent essentiellement aux structures opérationnelles mises en place par les opérateurs pour assurer ces activités. Ce service peut éventuellement être assuré par la SCS bénéficiant de l'accès, et dans ce cas les coûts correspondent aux montants effectivement facturés par la SCS à l'opérateur de réseau mobile pour cette prestation.


C-2.4. Les coûts de facturation et recouvrement


Ces coûts concernent, pour les produits de détail comme pour les ventes de gros, quatre activités :

- le comptage : il s'agit de suivre les données de comptage du volume de trafic émis par le client ;

- la facturation : il s'agit d'établir les factures et de les transmettre aux clients ;

- le recouvrement : il s'agit d'encaisser le paiement des factures non litigieuses ;

- le contentieux : il s'agit de traiter les réclamations sur facture, d'effectuer les études de solvabilité des clients, de surveiller les comptes litigieux et d'assurer les négociations amiables et les recouvrements contentieux. Le poste de coût « contentieux » prend en compte les créances douteuses.

Pour les produits de détail, ces activités peuvent être assurées par l'opérateur ou éventuellement déléguées aux SCS. Dans ce dernier cas, les coûts sont ceux effectivement facturés à l'opérateur de réseau mobile.


C-3. Les coûts communs


Les coûts communs comprennent trois éléments :

- les coûts du système d'information non spécifique ;

- coûts de siège (qui comprennent notamment les coûts afférents à la direction générale, les directions chargées des affaires stratégiques, financières et juridiques) ;

- aux frais généraux.


B-3. Revenus d'un opérateur mobile


Les recettes d'un opérateur mobile relèvent principalement de deux activités complémentaires qui permettent de recouvrer les coûts liés à ces activités :

- les revenus d'interconnexion et d'accès correspondent principalement à l'écoulement du trafic entrant sur le réseau de l'opérateur mobile et issu d'opérateurs tiers. Celles-ci rémunèrent ainsi l'opérateur mobile pour la terminaison d'appel et sont facturées aux opérateurs interconnectés et donc indirectement à l'abonné appelant un client de l'opérateur mobile. Ces revenus comprennent aussi les revenus des prestations physiques d'interconnexion (colocalisation, liaison de raccordement...) ;

- les revenus de détail correspondent aux revenus perçus auprès des clients finals : frais de mise en service, abonnements, revenus correspondant au prépayé, revenus des forfaits et du trafic hors forfait, revenus d'itinérance. Ces revenus peuvent être partagés en revenus récurrents et revenus non récurrents. Ils sont facturés au client final, directement, ou via un distributeur ou une SCS.